Jeudi 22 Janvier 2015 13:22:09 par Emilie Lemoine dans Editos

Appelons-le Charles, pour le côté british et royal. Lundi dernier, Charles, après avoir englouti un Christmas pudding et un thé Earl Grey (zero cliché), attendait avec fébrilité que sa Queen Mummy ait le dos tourné pour aller chercher son exemplaire du Sun. Et quelle ne fut pas la surprise de notre prince gallois de découvrir en page 3 de son journal préféré la photographie d'une blonde mannequin à la poitrine couverte ! Pas le moindre bout d'aréole visible. Déception royale à la hauteur de ses great expectations. Charles, dépité, se resservit une cup of tea.

Le lendemain matin, le Times confirmait la nouvelle. La source semblait sérieuse, car appartenant au même groupe de presse que l'hebdomadaire anglais et au même homme surtout, le légendaire magnat Rupert Murdoch. The Sun ne mettrait plus de jeunes femmes topless en page 3. Cette annonce sonnait la fin d'«http://www.thetimes.co.uk/tto/news/uk/article4328253.ece" ». Il était donc question de journalisme ? On avait cru l'espace d'un instant que cette photographie dénudée, façon cabine de routier, devenue pourtant mythique, incarnait depuis plus de quarante ans la marque de fabrique virile, misogyne et gentiment lubrique d'un tabloïd qui l'était tout autant. Our mistake.

Mais, comme la chanson, elle s'en va et elle revient. (Faite de tous petits seins ? Pas vraiment, l'exigence mammaire se mesure ici au bonnet). Et le jeudi de la même semaine, la page 3 est de retour. La blonde Nicole, avec son pantalon imitation peau de serpent, fait des clins d'oeil mutins à tout va, poitrine à l'air au milieu de ce qui pourrait être les rosiers du cottage de sa granny (zero cliché).

Clin d'oeil de Nicole - Capture écran - © The Sun

« We've had a mammary lapse » titre élégamment the Sun dans son édition du jour. « Nous avons eu un trou mammaire ». Et de préciser en légende qu'ils s'excusent auprès des journalistes qui ont passé ces deux dernières journées à parler d'eux. Coup de pub royal. Pied de nez à toutes et à tous, et notamment au groupe de pression « http://www.thetimes.co.uk/tto/news/uk/article4328253.ece" », qui avait réuni 215.000 signatures pour que cette « tradition » dégradante et sexiste disparaisse.

Appelons-le Ruppert, pour le côté australien et popular. Après avoir englouti un verre de Bourbon et le monde des médias tout entier, ultra puissant et véhiculant chaque jour des idéologies douteuses grâce à ses organes de presse (Fox News pour ne citer que la plus édifiante), attendait avec fébrilité l'issue de ce bon tour joué aux médias (pas les siens) et aux féministes surtout : « Si on peut plus se moquer des féministes, hein Charles ? Elles nous emmerdent avec leurs boobs, qu'elles veulent cacher ou qu'elles veulent montrer. On ne sait plus à quel sein se vouer (rires gras) ! »

Vraisemblablement pas aux siens en tout cas. A quand la photo des tétons de l'octogénaire en troisième page ?


Emilie Lemoine