© Hervé Pinel - Charlie Hebdo
Les dessinateurs de Charlie aimaient avant tout se marrer. C'était des sales gosses, amoureux du bon mot et du mauvais goût surtout, de la satire, des blagues potaches, intelligentes, cruelles, c'était des anti-cons, des mécréants, des bouffe-curé/imam/rabbin/consorts, des empêcheurs de tourner en rond, des grains de sable dans la chaussette de la petite France moisie et raciste. Libres jusqu'au bout de la mine. Ils en sont morts. « C'est peut-être un peu pompeux ce que je vais dire, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux. » disait Charb. Mourir pour ses idées, mais de mort lente c'est quand même mieux aurait ajouté Brassens. Wolinski de son côté louchait sur la faucheuse avec lubricité : « J'ai dit à ma femme : tu jetteras les cendres dans les toilettes, comme cela je verrai tes fesses tous les jours. »
On se fait donc tuer à Paris pour sa liberté d'expression ? Pour un coup de crayon ? Un dessin ? Une caricature de ce monde qui part en sucette ?
Les cons osent tout. On les attend. Ceux-là même que Charlie se serait fait un plaisir de tailler en pièce. On les attend les islamophobes/racistes. Faut dire qu'ils avaient déjà un peu préparé le terrain. Et le mot « barbare » est devenu le préféré des politiques, de Hollande à Sarkozy. Il n'est pas anodin. « Barbare » c'est l'« étranger » en grec : vous l'imaginez le méchant Arabe avec son couteau entre les dents ? Le sauvage pas comme nous, « pas de chez nous » ? Marine Le Pen se frotte déjà les mains.
Le bruit, la fureur, la colère.
« On a tué Charlie Hebdo ! » : le cri victorieux de l'assassin dans la rue. Non non non. Jamais mon gars. Tu as tué douze personnes, tu les as abattues comme des chiens, à la kalachnikov, l'arme de guerre qui ne s'enraye jamais, tu as fait ça lâchement, froidement, méthodiquement.
Frédéric Boisseau,
Franck Brinsolaro,
Ahmed Merabet,
Elsa Cayat,
Bernard Maris,
Mustapha Ourad,
Michel Renaud,
Cabu,
Charb,
Philippe Honoré,
Tignous
Wolinski.
Tu as perpétré un minutieux massacre, une petite boucherie humaine mais tu n'as pas tué Charlie Hebdo. Le journal, celui qui dérange et continuera de déranger. C'est une promesse qu'on se doit de te faire.
Emilie Lemoine