© Time
©Times
Mais comment donc photographier le virus Ebola alors même que son invisibilité rend sa contagion sournoisement fatale ?
Le travail de terrain des photojournalistes sur le terrain pose dès lors question. Dans son article « http://time.com/time-person-of-the-year-ebola-fighters-choice/" », Fanny Arlandis s'interroge avec finesse sur la problématique. Il s'agit de rester à distance et pourtant de s'approcher au plus près pour capturer un instant révélateur de la tragédie qui se joue. Comment éviter le piège d'une dramatisation excessive ? Car le virus invisible s'incarne dans des clichés d'hommes et de femmes malades à distance de l'objectif et dans ceux de personnes non contaminées à distance elles-aussi de leurs proches. Tout se joue aussi dans cette distance, que l'on respecte ou pas, que l'on soit photographe ou victime. Veiller celui qui est malade ou enterrer dignement celui qui disparaît deviennent mortifères : « C’est ce qui rend ce virus si sournois : il paralyse notre humanité et se propage dans l’amour. »
Première image d'une particule virale Ebola
obtenue par microscopie électronique en transmission en octobre 1976
(Wikipedia, Centres pour le contrôle et la prévention des maladies)
La peur d'être contaminée devient obsessionnelle et l'utilisation de la photo dans un climat de paranoïa et de stigmatisation est forcément source de détournements.
Pour preuve, http://time.com/time-person-of-the-year-ebola-fighters-choice/" qui a vu les murs de ses rues placardés d'affiches façon "wanted". Elles représentaient la photo d'identité d'un jeune homme noir, désigné comme immigrant illégal et contaminé par Ebola. Il s'agissait d'un montage douteux et l'homme pris en photo, désigné par le nom Jamal Malouf, était en fait Ansumana Jadama inculpé de meurtre en 2013 à South Salt Lake. Rien à voir donc.
twitter.com #DailyBaleNews
© Shoana Cachelle/Cachelle Photography
Le paradoxe ultime de cette relation complexe entre virus et photographie tient peut être en ce que le remède puisse venir... du monde de la photographie.
L'histoire est aussi sérieuse qu'incongrue. Nous l'avions déjà évoquée en octobre : "http://time.com/time-person-of-the-year-ebola-fighters-choice/"". Toyama Chemical, filiale de Fujifilm Holdings, s'occupe en effet des problématiques de santé et a développé un antiviral prometteur : l’Avigan. En novembre, on apprenait que la filiale déclarait qu'un test clinique avait déjà aidé à soigner quatre patients atteints d'Ebola. Le même mois, la France et la Guinée prévoiraient de conduire des essais cliniques de l'Avigan 200 mg sur le territoir guinéen pour traiter le virus. En fonction des résultats en fin d'année, l'approbation définitive de son utilisation prendrait un mois.
Emilie Lemoine