Alex The Target
Trois jours seulement entre l'anonymat absolu et la célébrité la plus totale.
Dans les premières heures qui ont suivi le « tweet originel », le web s'est emballé. Retweets par milliers, hashtag #AlexFromTarget partout, tout le temps... Le compte twitter du jeune garçon affiche désormais plus de 700 000 abonnés ! Ce super-phénomène a un nom : « mème internet ». Utilisé pour décrire un élément repris et décliné en masse sur internet, il n'est pas pour autant transmissible par les gènes. C'est l’Oxford English Dictionary qui le précise ! (Ça nous rassure un peu : personne ne se réveillera demain avec un tee shirt rouge de chez Target après avoir vu la photo en question).
Au delà de la simple blague, cette histoire nous pose tout de même question.
On est d'abord stupéfait de (re)découvrir le pouvoir des adolescents sur les réseaux sociaux. Il n'y a pas que l'eau précieuse dans la vie, y a le web aussi ! Manœuvre ou non d'une entreprise de marketing en ligne (Breakr), il n'en demeure pas moins que le mème « Alex From Target » a mérité son appellation d'origine incontrôlable notamment grâce aux jeunes gens qui n'ont eu de cesse de tweeter et retweeter la photo du garçon. On peut ici s'interroger aussi sur le rôle des médias (nous donc : c'est le moment autoflagellation) qui contribuent directement à relayer à peu près tout, et surtout n'importe quoi parfois. Le caissier ou le néant.
Célébrité-minute ou minute de célébrité à la Wharol ? « Une minute notre prochain invité est un caissier à Target, et la suivante il est un phénomène internet à cause d'une photo » explique Ellen DeGeneres. Une photo et tout bascule. Mais comment une photographie peut-elle s'imprimer dans l'imagerie collective avec autant d'impact ? L'omniprésent garçonnet Kinder ne serait donc pas le seul à squatter les rétines du monde entier ? Nul doute que les réseaux sociaux participent directement à remplir une espèce d'album photo mondial dont nous n'aurions pas choisi les clichés, mais plutôt été choisis par eux. Et l'on trouve de tout dans cet album : un gros chat qui boude depuis 2012 et qui vaut 1 million de dollars (« Grumpy Cat ») ou encore un bébé rondouillard au petit poing conquérant (« Success Kid »).
"Grumpy Cat"
Tous photographes ? La maîtresse du chat millionnaire, la mère du bébé joufflu et l'admiratrice du jeune caissier ne sont pas photographes professionnelles et pourtant leurs clichés d'amateurs anonymes ont réussi à conquérir l'oeil de millions de gens. On a rien contre. Rien vraiment pour non plus. Mais quitte à choisir une image, un visage, une photo qui nous restent et qui s'impriment dans une conscience collective. On le dit sans honte ni snobisme, mais on préfère celles des pros, celles qui ont voulu signifier, dire, voire dénoncer... Celle de l'Afghan Girl de Steve McCurry avec ses yeux inoubliables en couverture de National Geographic en 1985, celle de la petite Egyptienne de Sabine Weiss, ou encore celle de Nick Ut et la petite Kim Phuc sur une route du Vietnam...
Mais bon, ça c'est une autre histoire, un autre album...
© Steve McCurry
Emilie Lemoine