© Keiichi Tahara, Série Écran
Maison Européenne de la Photographie 5, 7 Rue de Fourcy 75004 Paris France
L’exposition que lui consacre la Maison Européenne de la Photographie est une rétrospective qui retrace cette perpétuelle quête de la lumière, tel un fil rouge, à travers quatre grandes séries du « Sculpteur de lumière » : Fenêtre, InBetween, Portraits et… Ecran.
Lumière, transparence, matière, installations, tous les sujets de recherche et de fascination de Keiichi Tahara s’entrechevêtrent dans sa série de polaroids couleur Ecran. Reparti au Japon, avec «en lui» la lumière de la France, Keiichi Tahara retranscrit dans cette série sa «mémoire», comme autant de strates sédimentaires. Vieilles mémoires, nouvelle lumière. Une démarche que Keiichi Tahara explique par son histoire, celle de l’échange des cultures :
«La route de la soie a donné la possibilité à diverses cultures et civilisations de se mêler. En route, elles ont respiré des airs autres, ont reçu des lumières nouvelles et ont expérimenté pleinement des temps différents. Ces expérimentations se sont imprégnées dans la terre, comme mémoire du monde. Je pense que notre histoire porte ces marqueurs, tel un entassement des temps et des lumières. Dans chaque roche sédimentaire, on retrouve des mémoires de la lumière et des traces des temps passés. Nous sommes juste là, sur la surface de ces couches (…)
En France, il m’a fallu du temps pour que je m’habitue au climat. Comme si j’attendais longtemps que la lumière d’ici remplisse mon corps, et que toutes mes habitudes et ce que j’avais en moi se transforment en “mémoires” comme des traces. Mais ces mémoires restent confuses comme la boucle de Möbius dont la face est aussi bien la pile, et qui représentent un monde de chaos.»
La quête de lumière de Keiichi Tahara se balade au sein du labyrinthe de la mémoire.
Pascal Maître, « Afrique(s) » du 10/09/2014 au 02/11/14 -
Pour cette première exposition à la Maison Européenne de la Photographie, Pascal Maitre nous livre quelques unes de ces histoires, comme autant d’extraits de reportages de ses expéditions.
Parmi les 40 pays d’Afrique qu’il a si souvent parcourus, 13 d’entre eux se retrouvent dans sa sélection pour la MEP : Somalie, Erythrée, Niger, RDC Congo, Rwanda, Sierra Leone, Cameroun, Mali, Tchad, Soudan, Burkina Faso, Sao Tomé et Madagascar. Des zones difficiles d’accès mais que Pascal Maitre parvient toujours à franchir.
La ténacité d’un grand reporter.
Pourtant la photographie de Pascal Maitre se révèle tout autant artistique et graphique, que journalistique. Son travail sur les couleurs n’est ni gratuit ni anodin.
Elles servent l’histoire qu’il nous raconte. Elles se fondent ou au contraire se confrontent comme ces vérités paradoxales d’une Afrique qu’il connaît bien. Nettes, franches, brutes, ces couleurs traduisent l’approche directe, frontale et immersive de Pascal Maitre.
Sur l’Afrique, Pascal Maitre est l’un des seuls à couvrir tous les thèmes s’y rapportant. Ils sont imbriqués tels des strates qui révèlent toute la complexité d’une Afrique plurielle : la nature, les croyances -qui masquent le manque de protection-, l’aspect économique et le travail, les conflits et ses conséquences, mais également la vie nocturne. Car en Afrique, la vie ne s’arrête jamais.
© Pascal Maître / Agence COSMO
René Burri, « Mouvement » du 10/09/2014 au 12/10/2014 -
Membre de l’agence Magnum depuis 1959, René Burri a été témoin d’événements marquants du XXe siècle, et il est l’auteur de portraits icônes, mondialement connus, tels que celui de Che Guevara, de Picasso ou de Churchill. Il a par ailleurs collaboré avec les plus grands magazines du monde.
D’une manière poétique et très personnelle, cette exposition rassemble une centaine de photographies illustrant la notion de mouvement : des jeunes dansant dans la rue au Festival de Rio, l’artiste suisse Jean Tinguely devant ses machines animées, les derniers gauchos d’Argentine…
Cet accrochage mêle des images en noir et blanc mythiques et des photographies en couleurs pour la plupart inédites.
L’exposition présente également des images en séquences, quasi cinématographiques, ainsi qu’un grand collage. Enfin, l’on retrouvera quelques extraits des documentaires et films de René Burri jusqu’alors rarement projetés.
Cette exposition a été réalisée avec le concours de Magnum Photos.
Carnaval de Rio © René Burri / Magnum photos
Tim Parchikov, « Suspence » du 10/09/2014 au 30/11/2014 -
A l’image de ce que Jean Douchet disait : « le suspense est la dilatation d’un présent pris entre deux possibilités contraires d’un futur imminent ».
L’artiste a mis au point une approche conceptuelle de ses expériences de voyage en saisissant le monde d’un œil inquiet et curieux, ce qui le rend, en même temps, hyper-réel et encore pictural. Son monde, qui est en même temps le nôtre, est à la fois banal et dramatique, familier et étranger. Le découpage que l’artiste entreprend à chaque prise est calé et décalé tout à la fois. Il voit le monde en tranches et en épisodes et ses tonalités de couleur illuminent le quotidien et nous montrent le monde tel qu’on le soupçonne, en soulignant son étrangeté et sa beauté souvent négligée.
Beaucoup d’images sont prises de nuit ce qui les rendent denses et mystérieuses. L’ambiance est inquiétante car les coins sont assombris et la lumière des réverbères qui filtre les scènes, raidit les objets, met en exergue leurs physionomies menaçantes, hébétées, sombres.
Il y a bel et bien un arrêt sur image et pourtant, la question de la nature de cette immobilité apparente revient sans cesse. Quel type d’expectative et quels signes chargés de présage y président ?
Pour Tim Parchikov, la quête n’est pas de rendre le monde vraisemblable. Il ne tient pas non plus à proposer de l’imaginaire. Il croit simplement que dans toute chose et à tout moment se cache quelque chose qui a la capacité d’être vu et vécu autrement.
Ami Barak
Cologne 2007 © Tim Parchikov
Anastasia Khoroshilava, « Starie Novosti » (Vieille Actu) du 10/09/2014 au 26/10/2014 -
De ces rencontres, elle réalise une installation mixant leurs portraits quasi grandeur nature et les enregistrements télévisés de l’époque, disposés dans de grands caissons lumineux, tels des caisses de transport militaire, déposés là, temporairement.
A travers ce travail Starie Novosti, Anastasia Khoroshilova met précisémment en exergue la temporalité et le caractère éphémère de l’information d’un tel événement.
Par là même, elle s’interroge sur la façon dont les médias la traitent et dont la société l’efface de sa mémoire collective.
Il y a tout juste 10 ans, entre le 1er et le 3 septembre, Beslan devient subitement une scène médiatique internationale. Plus de 1000 personnes (enfants, parents et corps enseignant) sont détenus en otages par les séparatistes tchétchènes. 344 d’entre eux périront, dont 186 enfants. De cet événement surmédiatisé en direct et dans les jours qui suivirent, que reste-t-il ?
Comment la compassion et l’empathie laissent-elles place à l’oubli ?
En se projetant dans l’individu et dans son histoire tragique, Anastasia Khoroshilova dirige la conscience collective vers les cicatrices psychiques des personnes :
« Ce travail me permet d’explorer les mécanismes de la mémoire, mémoire collective tout autant que mémoire individuelle. Comment le phénomène de l’exclusion d’un individu, dans le cas présent des victimes de Beslan, se forme-t-il ? A quelle vitesse l’homme peut-il oublier ses sentations et ses réactions à des événements ? A quelle vitesse la société refoule-t-elle ou oublie-t-elle tout ce qui transforme ses attributs et modifie sa structure ? Comment s’adapte-t-elle aussi rapidement et même inconsciemment à la cadence accélérée des agences de presse et des mass medias ? »
Khutsistova, 2010 © Anastasia Khoroshilova
François Lagarde, « Portrait » du 10/09/2014 au 12/10/2014 -
En 1968, François Lagarde suit des études à l’Institut d’art et d’archéologie, où il rencontre le brillant Gérard Lemaire et l’adorable pacifiste Alain Pacadis.
L’époque, brutale et sauvage, plonge le trio d’amis dans l’immense chaos salutaire où voyagent leurs utopies : pillage de bibliothèques, vols, grèves et occupations du rectorat de la Sorbonne.
Dès le début des années 1970, François Lagarde rencontre tous les amis de Gérard-Georges Lemaire qu’il va avoir la chance de photographier: Christian Prigent, Bernard Lamarche-Vadel, Valère Novarina, Jean-Noël Vuarnet, Gérard Julien-Salvy entre autres.
« Leurs connaissances et leur culture fascinaient le dernier de la classe professionnel que je représentais. Ils étaient plus forts et surtout plus drôles que tous les profs. Mais ce n’étaient pas des profs, on buvait beaucoup et ils m’apprirent beaucoup. »
Suivent de magnifiques rencontres comme celles de Pierre Guyotat, Philippe Sollers, Julia Kristeva, Maurice Roche et surtout Denis Roche. François Lagarde photographie sa « famille », celle qu’il avait choisie par la littérature, à travers leurs livres incroyables. « Ils m’ont tous donné envie de les rencontrer et ils ont transformé ma vision du monde. »
En 1975, Gérard-Georges Lemaire et François Lagarde organisent Le Colloque de Tanger à Genève. Ce colloque célébrait la rencontre de Brion Gysin et William S. Burroughs et leur œuvre commune : The Third Mind, Œuvre croisée.
Pour accompagner les innombrables portraits que François Lagarde réalisa de tous ces penseurs, écrivains et philosophe, Les colloques de Tanger (52’) seront également projetés au sein de l’exposition.
Denis Roche, Paris, 1979 © François Lagarde