Territoires d'expériences © Muriel Bordier
Galerie le Carré d'Art Galerie Le Carré d'Art Centre Culturel Pôle Sud 1, rue de la Conterie - BP 37604 35131 Chartres-de-Bretagne France
Entre septembre 2012 et octobre 2013, le Carré d’Art et L’aparté1 se sont associés pour accueillir six photographes dans le cadre d’une résidence de mission, dispositif qui s’inscrit dans la politique culturelle du département d’Ille-et-Vilaine. Ces artistes ont été invités à livrer des représentations des territoires de la commune de Chartres de Bretagne et de celles du Pays de Montfort ; toutefois, l'intention était de laisser libre cours à l’expression de leur univers créatif.
Les six photographes en résidence sont Israel Ariño, Muriel Bordier, Delphine Dauphy, Marc Loyon, Cédric Martigny et Pascal Mirande.
L’originalité de l’expérience réside dans le choix d’un procédé photographique du 19ème siècle, le collodion humide, et la prise de vue à l’aide de chambres photographiques de grand format.
Loin du flux constant d’images propre à notre époque, les six photographes invités ont retrouvé le temps long de la genèse attaché aux procédés primitifs.
Temps long de la préparation des clichés, temps long du déploiement gestuel qui s’attache au travail avec une chambre photographique et à la manipulation de plaques, parfois de grand format et fragiles. Enfin, temps long de la pose requis par le procédé. Renonçant à toutes certitudes, ils ont également dû faire face aux multiples aléas propres à ce dispositif artisanal.
Tout autant qu’une contribution à un inventaire photographique des lieux et des activités humaines, les images produites représentent un ensemble où se superposent des réalités tangibles et tous les imaginaires nés du regard des artistes conviés en résidence.
Historique sur le collodion humide par Israel Ariño
Travailler avec le collodion humide représente une immersion unique dans l'histoire, l'art et l'esthétique du médium photographique. Le collodion humide, inventé en 1851 par Scott Archer, s’est développé jusqu’en 1880, et constitue le dernier procédé avant l’industrialisation de la photographie c'est-à-dire avant l'invention de la gélatine sur plaque sèche. Actuellement, l’utilisation de ces techniques archaïques nous permet de comprendre, d'apprécier et de profiter différemment de la production photographique de cette période. De même, la représentation du monde contemporain avec une technique du passé ouvre et soulève une infinité de possibilités dans le domaine de la création.
Au 19ème siècle, nombre de photographes ont voyagé et utilisé cette technique : Francis Frith (1822-1898) lors de voyages en Orient, Samuel Bourne (1834-1942) en Inde, William Henry Jackson (1843-1942) dans l’Ouest américain ou Auguste Rosalie Bisson (1826-1900) qui arriva jusqu’à la cime du Mont-Blanc. Ils ont documenté les chantiers d’ingénierie comme la transformation urbanistique de Paris par Charles Marville (1816-1879), ainsi que les conflits comme la Guerre de Crimée photographiés par Roger Fenton (1819-1869) ou la Guerre de Sécession américaine par Timothy Henry O’Sullivan (1840-1882).
C’est aussi l’époque des grands portraitistes comme Félix Tournachon Nadar (1820-1920), Etienne Carjat (1828-1906) et de l’apparition de la carte de visite d’Eugène Disdéri (1819- 1889). Actuellement, un grand nombre de photographes se remettent à utiliser ces techniques primitives de production d’images. Les raisons sont multiples : la recherche de nouvelles formes de création, la possibilité de mélanger ces procédés avec d’autres technologies plus modernes, le goût pour le procédé manuel et le support de l’image, l’autonomie par rapport à la technologie moderne...
Parmi eux citons Stephen Berkman, Quinn Jacobson, Sally Mann, Luis Gonzélez de Palma aux États-Unis ; Lourdes Delgado, Rebecca Mutell et Israel Ariño en Espagne.
Territoires d'expériences © Israel Ariño
Territoires d'expériences © Israel Ariño
Territoires d'expériences © Israel Ariño
Israel Ariño
Maîtrisant parfaitement un grand nombre de procédés photographiques anciens, Israel Ariño a formé cinq artistes locaux à la technique du collodion humide, à l’occasion de deux stages de formation en septembre et en novembre 2012. Tout au long de l’année, il a pu suivre depuis chez lui à Barcelone, l’avancement des productions. Revenu en France en mars 2013, il a réalisé des images sur des plaques de verre de 50x50 cm sur les bords du lac de Trémelin. Inspiré par la magie des lieux, il s’est approprié l’esthétique particulière du collodion pour créer une fantasmagorie qui fait revivre à travers les personnes représentées les mythes et légendes nés de son imagination.
Israel Ariño est né en 1974. Il suit des études à l'Institut d'Études Photographiques de Catalogne puis à l'École des Beaux- arts de Barcelone. Parallèlement, il poursuit ses propres recherches en s'intéressant aux origines de la photographie. Depuis 2005, il enseigne à l'Université de Barcelone et expose régulièrement en Espagne, mais aussi en France, pays dans lequel il établit ses contacts les plus fidèles avec le monde de la photographie. Israel Ariño revendique l'héritage des premiers photographes et s'affirme tout à la fois comme un expérimentateur averti des procédés physico-chimiques des origines et un explorateur du monde visible.
Muriel Bordier
Adepte du faux-semblant, Muriel Bordier s’est inspirée des représentations des communautés ancestrales, des tribus qui possédaient et défendaient la partie de terre sur laquelle elles vivaient. C’est pour cette raison qu’elle a choisi de travailler sur la thématique des Indiens d'Amérique du Nord, une population qu'Edward S. Curtis a photographiée à la fin du 19ème et au début de 20ème siècle.
Avec humour, elle a travesti en indiens des habitants des communes de Chartres de Bretagne et d’Iffendic, puis les a photographiés à la chambre 4x5 inches, sur des plaques au collodion, technique proche de celle utilisée par Curtis. L'objectif de cette manipulation est de faire douter le spectateur de l'objet photographique qu'il aura sous les yeux. Le regardeur s'interrogera sur la nature du paysage et sur l'origine des sujets.
Territoires d'expériences © Muriel Bordier
Territoires d'expériences © Muriel Bordier
Muriel Bordier est née en 1965. Elle vit et travaille à Rennes. À l’École des Beaux-arts de Reims, elle travaille la photographie ainsi que la vidéo et obtient son diplôme en 1990. Depuis, elle développe sa production photographique et expose régulièrement, tout en enseignant la photographie à des étudiants à Rennes.
Elle a participé à de nombreuses résidences et a obtenu le Prix Arcimboldo, décerné par Gens d’Images, en 2010.
Delphine Dauphy
À Chartres de Bretagne, commune périurbaine de la métropole rennaise, Delphine Dauphy s’est intéressée aux derniers agriculteurs ainsi qu’aux surfaces cultivées, emblématiques d’un mode de vie voué à une disparition progressive. Sur le domaine de Trémelin, elle a photographié les familles qui se rendent régulièrement sur la base de loisirs (promenades, baignades, bals populaires...) en s’inspirant des portraits réalisés par les photographes ambulants qui parcouraient les États-Unis, et qui étaient présents notamment sur les foires. Les images résultantes étaient alors directement emportées sur des plaques de métal, les ferrotypes.
Territoires d'expériences © Delphine Dauphy
Territoires d'expériences © Delphine Dauphy
Territoires d'expériences © Delphine Dauphy
Delphine Dauphy est née en 1975. Elle vit et travaille à Rennes. Diplômée de l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles, elle photographie les relations qu’entretiennent les hommes avec leur environnement. Des hauts lieux du tourisme en Italie à la mythique ville de New York en passant par les espaces ravagés de la Bosnie ou bien au seuil de sa porte, elle évoque, dans ses images, la faculté de l’humain d’adapter le paysage à ses activités. Il s’agit aussi, pour elle, de saisir les rencontres furtives qui rythment le voyage. En réalisant des portraits, elle marque cette pause dans le temps de la déambulation.
Marc Loyon
Marc Loyon a fixé les zones pavillonnaires des communes de Chartres de Bretagne et de Montfort-sur-Meu. L’idée principale de cette démarche documentaire est de poser un regard sur l’espace habité et l’espace empreinté, en abordant les voies de déplacements, l'organisation des zones d'habitat collectif et des lotissements. Les portraits d'habitants restent très spontanés dans leur démarche (passants, curieux...) contrastant avec la mise en place souvent lente de la chambre 20x25 cm et le temps étiré du procédé au collodion humide.
Territoires d'expériences © Marc Loyon
Territoires d'expériences © Marc Loyon
Marc Loyon est né en 1967. Il vit et travaille à Rennes. Il oriente sa réflexion photographique sur l'environnement par des séries d'architectures et de paysages. L'idée générale de son travail est d'associer des espaces vierges et construits tentant de nous interroger sur l'évolution de nos territoires, sur l'impact environnemental de l'être humain et son empreinte dans les paysages. Le travail de prévisualisation et de repérage est essentiel dans la construction de ses photographies. La nuance des teintes de ses images tend à adoucir la dureté de l'empreinte humaine, la représentation du paysage restant calculée.
Cédric Martigny
En portant son regard sur les salariés de l’entreprise Cooperl, abattoir situé à Montfort-sur- Meu, Cédric Martigny explore la réalité économique du territoire. Il tente ainsi de donner une représentation du travail, en l’occurrence ici du travail de la viande. Il a pour cela enregistré les gestes quotidiens et répétitifs effectués par les salariés sur la chaine de l’abattoir. En saisissant le mouvement dans son suspens, il crée une chorégraphie visuelle, un art de la manière où la figure du travailleur devient icône.
Territoires d'expériences © Cédric Martigny
Territoires d'expériences © Cédric Martigny
Cédric Martigny est né en 1974. Il vit et travaille depuis Fougères. À partir de 1999, après des études à l’E.T.P.A. de Toulouse, il développe ses projets dans le cadre de résidences d’artistes. La série le Foyer a remporté le Prix Roger Pic de la Photographie 2007 et a été édité chez Poursuites éditions. La série Route Nationale 7 co-réalisée avec Patrice Normand a remporté la bourse de la Quinzaine Photographique Nantaise en 2007. Il a publié de nombreux ouvrages, dont Au Lycée (avec le collectif Temps Machine, 2007) Associations (éd. Diaphane, 2012) et Passages (2013).
Pascal Mirande
Pascal Mirande s’accommode des accidents photographiques, inhérents au procédé, pour les ériger en parti pris esthétique. Il explore la richesse de la matière du support et photographie des arbres ayant des silhouettes particulières. Leur matière, leurs formes se mélangent avec les aléas du processus pour former une image tourmentée, lyrique, proche des dessins à l'encre de Victor Hugo. En mettant en parallèle des images qui ont le même sujet et le même cadrage, on mesure la diversité des résultats.
Pascal Mirande est né en 1968. Il vit et travaille à Rennes et à La Rochelle. Il est diplômé de l’École des Beaux-arts de Poitiers en 1993 et de Rennes en 1996. Il obtient une Bourse d’Aide Individuelle à la Création de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Bretagne en 1998 et 2004. Il est invité à de nombreuses résidences et participe à de multiples expositions en France et en Europe. Il est représenté par la Galerie Vrais Rêves (Lyon) depuis 2009.
Partenariats
Territoires d’expériences a eu pour ambition de nourrir l’échange entre les photographes, de stimuler la création sur le département d’Ille-et-Vilaine. Ainsi, le stage initial animé par Israel Ariño, artiste catalan, répondait à cette volonté de favoriser l’échange au-delà de nos frontières. La présentation de l'exposition à l'Institut Français de Barcelone vient confirmer la dimension internationale de l'initiative puisque qu'un volet barcelonais est envisagé pour certains des artistes français. En 2014, l’exposition sera présentée à la Direction de la Culture du Conseil Général d’Ille-et- Vilaine (en janvier-février), puis à l’Institut Français de Barcelone (septembre-octobre).
Edition
Le livre Territoires d’expériences (Éditions Diaphane) paraîtra le 10 octobre (108 pages, 48 photographies en couleur, couverture reliée, 21x21 cm). Il est disponible à la souscription (jusqu’au 10 octobre) sur le site des éditions Diaphane.
A propos de la galerie
Le Carré d’Art est une galerie de photographies de Chartres de Bretagne, près de Rennes. Elle a pour ambition de donner une nouvelle dimension à son action en faveur de la photographie en développant un projet artistique défini autour de la thématique Images et territoires. Son approche s’étend aussi bien à travers sa dimension paysagère, que sous un aspect social et culturel. Autour des expositions, un programme de médiation et d’actions culturelles est déployé, mettant en jeu des publics différents.
Expositions
- Jeudi 10 octobre, à partir de 18h30 :
Vernissage au Carré d’Art (exposition du 10 octobre au 5 décembre)
- Samedi 12 octobre, de 10h30 à 12h30, à la Médiathèque de Chartres de Bretagne
Conférence de Gwenola Furic (conservatrice-restauratrice du
patrimoine photographique) : Historique de la technique du collodion
Conférence de Charles Lelu (président de l’association des Amis du Musée Nicéphore Niepce – Châlons-sur-Saône): L’esthétique du collodion humide dans l’histoire de la photographie
- Samedi 12 octobre, à partir de 14h, à L’aparté, Domaine de Trémelin - Iffendic : Démonstration publique et prises de vues au collodion par les six photographes résidents
Photographies et vignette © Muriel Bordier © Israel Ariño
© Delphine Dauphy © Marc Loyon © Cédric Martigny