les étudiants participant au concours de la Fondation Louis Roederer, Patrick Rémy, directeur artistique du festival, et Ildiko Peter son assistante © Claire Mayer
Deauville, sa plage, ses planches, ses courses hippiques... Mais pas seulement ! Deauville, c'est aussi Planche(s) Contact, le festival de photographie contemporaine de la ville.
La ville a toujours inspiré les artistes les plus talentueux. Depuis trois ans, Planche(s) Contact propose à des photographes de poser leur œil averti sur la ville. Mais l'originalité de cette manifestation, qui malheureusement se noie dans le flot ininterrompu de festivals, est à deux facettes. D'une part des photographes renommés sont invités en résidence par la ville de Deauville, et d'autre part, des étudiants d'écoles de photographies européennes font également partie du projet, pour participer au concours étudiant de la Fondation Louis Roederer. Cette résidence se déroule sous le regard bienveillant et aguerri de Patrick Remy, directeur artistique du Festival (http://actuphoto.com/22151-entretien-avec-patrick-remy-directeur-artistique-du-festival-planche-s-contact-de-deauville.html">lire).
Sans doute cette originalité peut-elle paraître décevante. Détrompez-vous, car photographes et étudiants, travaillant tous sur des projets bien évidemment différents, partagent le même toit le temps de cette résidence. Une complicité débutant/confirmé s'installe donc naturellement, et enrichi avec fraîcheur le travail des uns et des autres.
Actuphoto a partagé, 48 heures durant, la vie de cette colocation extraordinaire. Cette année, aux côtés de neuf étudiants de quatre écoles de photographies européennes (l'Ecole nationale supérieure de la photographie d'Arles, la Fondation Forma pour la Photographie de Milan, l'Ecole cantonale d'art de Lausanne et le Royal College of Art), se sont cinq photographes réputés qui ont porté leur regard sur la station balnéaire. Les étudiants ont ainsi eu l'opportunité de côtoyer Paolo Roversi, Filip Dujardin, Simon Procter, Kourtney Roy et le couple de photographes Tania et Vincent (http://actuphoto.com/22151-entretien-avec-patrick-remy-directeur-artistique-du-festival-planche-s-contact-de-deauville.html">lire).
Valentina Ghiringhelli, étudiante au NABA et Ildiko Peter, assistante de Patrick Rémy, Deauville © Claire Mayer
Villa Strassburger, Deauville © Claire Mayer
Sylvain Couzinet-Jacques, Deauville © Claire Mayer
Détails d'une résidence estivale et studieuse des étudiants participant au concours de la Fondation Louis Roederer
Julia de Cooker de l'Ecole cantonale d'art de Lausanne (ECAL)
Son projet est de réaliser des portraits de jeunes filles de Deauville, entre 11 et 14 ans, à l'image des tableaux flamands : « Depuis un certain temps maintenant, je suis très intriguée par l'évolution des très jeunes filles dans la société d'aujourd'hui, société où l'image envahit la rue et les écrans. Les très jeunes filles, de 11 à 14 ans, sont obligées de s'identifier à des icônes. L'enfant ne veut pas grandir, il se plaît à être « fils ou fille de », pourtant, son corps, changeant peu à peu, le tire hors de l'enfance. Il se retrouve alors tiraillé entre deux âges. » Julia a réalisé ses portraits dans la fameuse Villa Strassburger, classée monument historique depuis 1975, dans laquelle l'ex première dame Carla Bruni-Sarkozy avait reçu les épouses des chefs d'Etats lors du G8 l'an passé.
http://www.juliadecooker.com
Julia de Cooker © Claire Mayer
Eugenia Ivanissevich du Royal College of Art
En tant normal, la jeune photographe utilise ses voyages, surtout le bord de mer et la côte, pour créer des images qu'elle assemble ensuite en studio. Ici, à Deauville, elle a décidé de s'attaquer à d'anciennes images de la ville afin de réaliser ces mêmes collages. Lors de sa résidence, elle a alors enquêtée, collectée, comme un journal de bord des images et des matériaux pour réaliser ce qui ressemblera à une véritable œuvre d'art. Au gré du hasard, des ballades, elle récolte ses éléments et s'inspire de ce que dégage Deauville pour elle : « D'une façon fantaisiste, j'imagine que Deauville ressemble à un salon de thé empli de glaces ».
http://www.eugeniaivanissevich.com
Maria Barkova de l'Accademia di Belli Art (NABA)
Maria a choisi d'appréhender la ville de Deauville à travers des portraits d'enfants, entre 7 et 11 ans. Une fois qu'elle a immortalisé leurs regards innocents dans différents endroits de la ville, elle leur demande de rédiger leurs rêves d'adultes. Ils doivent écrire quel métier ils souhaiteraient exercer, ce qu'ils rêveraient de posséder, là où ils aimeraient vivre… Un moment émouvant que la photographe russe a partagé avec ces jeunes enfants et leurs familles, aux détours des plages, poney club, écoles et nombreux lieux de jeux de la ville de Deauville.
La ville est pour elle mystérieuse, « trop parfaite, trop lisse », et la laisse en même temps rêveuse. La résidence lui a permis de découvrir une ville totalement inconnue qu'elle n'est pas prête d'oublier.
http://www.mariabarkova.com
Maria Barkova © Claire Mayer
Michal Florence Schorro et Prune Simon-Vermot de L'Ecole cantonale d'art de Lausanne (ECAL)
Ce duo atypique de photographes a choisi un angle étonnant pour traiter de Deauville : la nature morte. Au fil des jours, elles ramassent, trient, récoltent des objets ayant traits pour elles à la ville. Gants en plastique, morceaux de filets de pêches, bouts de bois, cadavres de poissons morts, sont autant d'éléments qui leur permettront de réaliser leurs clichés de nature morte.
Leur complicité leur permet de se mettre d'accord avec simplicité sur la nature de leur projet. Elles ont érigé un studio au sein même de la villa commune à tous, pour réaliser des clichés de ce qui représentent pour elles des scènes de vie deauvillaises.
http://www.michalschorro.ch
Sylvain Couzinet-Jacques de l'Ecole nationale supérieure de la photographie d'Arles (ENSP)
Le seul « mâle » de toute cette ribambelle d'étudiants a un projet pour le moins éloigné de ce qu'il réalise habituellement : photographier les voitures dans un contexte qui lui est propre. En effet, les images de Sylvain qui sont actuellement exposées à Arles dans le cadre de l'éminent festival de photographie, ont cette singularité où l'on reconnaît aisément le travail de l'artiste : le traitement de la lumière est réalisé avec précision, soit dans les tons sombres, soit dans des tons de surexposition. Alors qu'il a fait beaucoup d'images aux Etats-Unis et de portraits, Sylvain s'est attaqué pendant sa résidence à mettre en scène des voitures de collection, selon le regard qu'il porte sur la ville. Pour lui, « la photographie est un outil précieux qui se confronte au réel ».
http://www.couzinetjacques.com
Sylvain Couzinet-Jacques © Claire Mayer
Marie Sommer de l'Ecole nationale supérieure de la photographie d'Arles (ENSP)
Son projet à Deauville est d'immortaliser certains paysages qui lui inspirent sa propre vision de la ville. La photographie est pour elle « son rapport particulier avec le réel ».
http://mariesommer.com
Valentina Ghiringhelli de l'Academia di Belli Art (NABA)
Valentina a axé son projet sur le « paradis artificiel » qui peut exister dans une station balnéaire comme Deauville. Ainsi, elle s'est rendu dans des lieux nocturnes de la ville, de nuit mais surtout en plein jour, pour les exposer à la réalité de la lumière : « Je voudrais faire un projet qui montre superficialité et le bonheur illusoire que les endroits consacrés à la vie nocturne et aux divertissements nous offrent ». Cette amoureuse de Paris a donc immortalisé les lieux de sortie de la ville, sous leur plus mauvais jour : fini l'attrait aguicheur des discothèques, place désormais à l'envers du décor du lendemain, sordide, écoeurant des émanations d'alcool et de tabac froid.
Valentina Ghiringhelli et Lore Stessel © Claire Mayer
Lore Stessel de l'Ecole nationale supérieure de la photographie d'Arles (ENSP)
L'idée de la jeune photographe est de « visiter les corps de Deauville à différents niveaux ». Le traitement du corps se faire par le biais de son propre ressenti face à ce que dégage pour elle les habitants de Deauville. Elle aime et utilise la photographie « pour son immédiateté et sa précision ».
http://www.lorestessel.com
Les étudiants du concours de la fondation Louis Roederer ont donc tous travaillés sur des sujets différents, éclectiques et originaux, dans une ambiance qui a été studieuse autant que décontractée. L'air marin y a sans doute été pour quelque chose, mais les jeunes photographes ont participé à cette résidence avec enthousiasme, tout en cohabitant et en apprenant à se connaître. Pas d'esprit de compétition exacerbé ici, mais une entraide touchante et volontaire.
Le suspens prendra fin le soir du vernissage, le 27 octobre prochain, où la présidente du jury Bettina Rheims, annoncera l'heureux gagnant du concours, et des 3000 euros qui l'accompagne.
Bon courage à tous !
Claire Mayer