Rudolf Koppitz naît le 3 janvier 1884 en Silésie autrichienne (dans l’actuelle République tchèque) dans une famille germanophone.
1897–1907
Le jeune Rudolf entre comme apprenti dans l’atelier du photographe Robert Rotter à Freudenthal. En 1901, le jeune homme, qui a alors 17 ans, passe son certificat d’aptitude professionnelle et obtient un emploi dans l’atelier de Florian Gödel, dans le chef-lieu du district d’Opava. Un an plus tard, il s’installe à Brno, où il travaille comme retoucheur sur positif et négatif dans le célèbre atelier de Carl Pietzner.
1908–1911
Koppitz travaille les années suivantes chez plusieurs photographes à travers tout le pays. Il s’installe à Vienne en 1911. Ses premières photographies datées, prises durant ses loisirs, remontent à 1908 ; elles représentent les églises des Minimes et Saint-Charles-Borromée à Vienne, des paysages pittoresques ou des chaînes de montagnes escarpées. Son style est influencé par la peinture et le graphisme de l’Art nouveau et de la Sécession viennoise, ainsi que par les photographies du mouvement pictorialiste qu’il a dû découvrir dans les expositions à Vienne. On ne lui connaît cependant pas de lien direct avec ces différents mouvements.
1912–1913
À 28 ans, Koppitz donne à sa carrière de photographe une nouvelle direction en allant suivre une formation à l’Institut des arts graphiques appliqués de Vienne. Il y suit les cours spécialisés de Novák sur le portrait photographique artistique. Le goût prononcé de Novák pour l’ornement et sa prédilection pour les compositions stylisées ainsi que sa façon de répartir les surfaces en aplats clairs et sombres marquent durablement Koppitz. Ce dernier est nommé dès 1913 assistant pour « la photographie de portraits et de paysages et les retouches ». Il travaille de préférence avec les techniques de tirage nobles, qu’il continue de perfectionner, et photographie des sujets typiquement pictorialistes : des paysages enneigés, des arbres, des vedute , des scènes paysannes romantiques et de nombreux portraits. Il effectue quelques voyages, notamment en Hollande et en Italie, où il fait de nombreuses photos.
1914–1918
Mobilisé dès le début de la guerre, Koppitz doit interrompre son activité d’assistant. Il est versé comme sergent dans une compagnie d’aviateurs et nommé « maître assistant pour la photographie de terrain ». Il sert d’abord sur le front oriental avant d’être muté au centre de formation des photographes de reconnaissance de Wiener Neustadt. De cette époque, nous conservons des photos représentant le front de Galicie, que Koppitz romantise dans son style caractéristique. À l’opposé, les vues prises depuis l’avion, sobres compositions géométriques et modernes, se distinguent nettement du reste de ses travaux.
1919–1927
À la fin de la guerre, Rudolf Koppitz reprend son poste à l’Institut des arts appliqués. Il y est d’abord « maître assistant pour les retouches », puis est nommé enseignant en 1920. Il entre à la Société Photographique. En 1924, sa première grande exposition personnelle a lieu à la Chambre de commerce de Vienne. Il commence dès lors à participer activement aux expositions : jusqu’à sa mort, près de 60 expositions collectives montreront ses travaux en Autriche et à l’étranger.
A l’Institut, il rencontre Anna Arbeitlang, qui y est assistante depuis 1917. Ils se marient durant l’été 1923. C’est en collaboration avec sa jeune épouse que Koppitz réalise ses premiers nus.
Début 1925, Koppitz réalise son œuvre la plus réputée, Bewegungsstudie (Etude de mouvement), qui connait un succès international. Durant cette phase de création, il travaille avec diverses danseuses. Il photographie notamment plusieurs fois les membres de la troupe de danse russe du « Ballet plastique Issatschenko ».
1928–1929
Koppitz ne participe pas seulement à des expositions internationales de photographes amateurs, il décide aussi, comme membre de comités, de la participation d’autres collègues à ce genre de manifestations. De par sa présence dans la rédaction du magazine Der Lichtbildner et ses nombreuses contributions photographiques dans d’autres magazines spécialisés tels que Photo- (und Kino-)Sport ou Photographische Korrespondenz, il exerce une influence sur le milieu de la photographie contemporaine en Autriche.
1930–1935
En 1930, l’exposition internationale « Film und Foto » (FiFo) est présentée à Vienne. Le style de Koppitz change : en lieu et place des compositions symbolistes apparaissent plus de clichés à caractère documentaire et objectif. Il n’utilise plus les procédés de tirage nobles et s’éloigne du flou pictorialiste. Ses motifs de prédilection restent la vie paysanne, les scènes campagnardes et les sujets sportifs.
1936
« Land und Leute » (Le Pays et le Peuple), l’exposition la plus complète de Koppitz, mais aussi la dernière, est inaugurée au Musée des Arts appliqués (actuel MAK) de Vienne en février 1936. Plus de cinq-cents pièces y sont exposées sur des sujets essentiellement agraires.
Rudolf Koppitz meurt le 8 juillet 1936, à l’âge de 52 ans. Anna Koppitz administre son héritage et continue de travailler en tant que photographe, surtout pendant la période nationale-socialiste.
Héritière du Jugendstil viennois et du Pictorialisme, la photographie de Rudolf Koppitz [1884-1936] magnifie le corps en mouvement, dans d’élégantes compositions devenues des icônes de l’histoire de la photographie. L’exposition "Rudolf Koppitz [1884-1936]" est la première grande rétrospective consacrée au photographe en France. Conçue par le Photoinstitut Bonartes de Vienne, elle rassemble près de 130 photographies et documents pour une unique présentation au musée Nicéphore Niépce.
En 1929 parait pour la première fois un article sur la photographie artistique dans l’Encyclopaedia Britannica . Il est illustré d’une photo de Rudolf Koppitz, Étude de mouvement : on y voit s’avancer trois femmes drapées de noir devant lesquelles une quatrième jeune femme, nue, se penche en arrière dans une attitude élégante et maîtrisée. Cette photo, devenue une véritable icone incarnant à elle seule la photographie d’art, semble émaner d’un temps révolu au moment où la modernité se conjugue sur le mode de la Nouvelle Vision et du Surréalisme.
C’est dans ce contexte que Rudolf Koppitz (1884-1936) va pourtant devenir l’une des principales figures du pictorialisme viennois. Ce mouvement international, né dans les années 1880, portés par des amateurs fortunés réunis dans des clubs, revendique pour la photographie le statut d’art à part entière. Pour ce faire, il met en avant des techniques de tirage dites « nobles », inspirées de la peinture et des arts graphiques : tirages pigmentaires, à la gomme bichromatée, à l’huile… Réfutant la reproduction purement mécanique du réel, les pictorialistes stylisent, interprètent, floutent.
Koppitz sera l’un des représentants de cette esthétique. Sa position d’enseignant puis de directeur du département de photographie à la Graphische Lehr- und Versuchsanstalt de Vienne (Institut des arts graphiques appliqués) lui permettra d’exercer une influence certaine sur la création photographique viennoise. Sa participation à de multiples expositions, y compris en tant que membre des comités de sélection, assiéra son autorité dans le milieu de la photographie d’art.
Les thèmes abordés par Koppitz tout au long de sa vie, témoignent de son goût pour la nature et pour l’exercice physique, dans une pleine adhésion aux principes du naturisme apparu au tournant du siècle. Ses mises en scène de nus, y compris de son propre corps, répondent à une recherche esthétique de force et de pureté.
Au début des années trente, Koppitz délaisse les effets pictorialistes et adopte un style a priori plus documentaire bien que soigneusement mis en scène. Il parcourt la campagne, à la recherche d’une authenticité paysanne. Les images de la « Heimat » autrichienne suscitaient alors un intérêt croissant, directement lié à une volonté de développer le tourisme : l’Etat voulait montrer une patrie idéalisée, un pays aux beaux paysages alpins, garant des traditions. [Le terme « Heimat » n’a pas d’équivalent en Français. Il renvoie tout à la fois à la notion de patrie, de terre natale, de pays, évoquant également le lieu où l’on se sent « chez soi ».]
Le vocabulaire esthétique utilisé par Koppitz ne manquera pas d’être récupéré par le pouvoir austro-fasciste et par les tenants du national-socialisme. Les opinions politiques de Koppitz, mort deux ans avant l’Anschluss, restent toutefois ambigües. On connaît davantage celles de son épouse, Anna, une photographe qui fut aussi son assistante, et qui fit de nombreux clichés de la jeunesse autrichienne dont l’esthétique rappelle les mises en scène de Leni Rifenstahl. En continuant d’exploiter l’œuvre de son époux après 1936 et en y associant ses propres photographies, et par ses liens avérés avec le régime nazi, celle-ci a sans doute contribué à ternir durablement la réputation de Koppitz.
Rudolf Koppitz était-il naïf ou seulement guidé par une quête artistique et esthétique ? Ses œuvres à la beauté intemporelle et théâtrale lui valurent en tout cas les éloges de ses contemporains et un engouement pour ses photographies de nus et de danse qui perdure encore aujourd’hui