"Je fais ceci pour le spectateur qui peut réfuter le ”tu“, l’accepter ou dire : Ce n’est pas moi mais je pourrais le connaître". Barbara Kruger
L'artiste conceptuelle américaine Barbara Kruger naît à Newark, dans la banlieue de New York, en 1945.
Barbara Kruger étudie l'art à l'université de Syracuse en 1964. Elle suit des cours à la Parsons School of design en 1965 et y apprend les codes de la publicité.
Formée à la profession médiatique de graphiste publicitaire, Barbara Kruger travaille comme designer et peintre pour des agences de publicité, notamment pour l’équipe de Condé-Nast qui publie les revues "Vogue" et "Mademoiselle", se familiarisant ainsi avec les protocoles de construction des images médiatiques. Leurs codes et leurs signes font rapidement partie de son vocabulaire visuel.
Dès ses premières oeuvres, en 1978, l'oeuvre de Barbara Kruger se caractérise par sa charge critique. Ancienne graphiste de la revue new-yorkaise "Mademoiselle", Barbara Kruger s'approprie des images publicitaires, qu’elle expose agrandies au format du tableau de chevalet. Les images ainsi détournées de leur source d'origine, l'artiste leur adjoint des slogans virulents écrits en caractères d’imprimerie, sous forme de brèves sentences à la typographie austère.
Marquée par l’industrie culturelle, Barbara Kruger appartient à cette catégorie désignée sous l’appellation d’artistes "politiques" qui apparaît sur la scène new-yorkaise au milieu des années 1980. Barbara Kruger interroge notre capacité à répondre aux pressions de la société afin de reproduire un comportement normalisé. Intimidante par la violence des images et les propos explicitement dirigés vers le spectateur, son oeuvre prend pour cadre la société de consommation ainsi que les minorités de toutes sortes, notamment raciales et sexuelles, soumises à l’autorité blanche et masculine. L'artiste exécute depuis 1981 des photomontages, le plus souvent limités à trois couleurs (le rouge, le noir et le blanc), qui sont autant d’images à la théâtralité stéréotypée, dénotant une atmosphère inquiète et violente.
Sa première exposition personnelle à la Galerie Mary Boone de New York se déroule en 1987. Dans le climat difficile de la représentation artistique féminine des années 1980, elle est alors la première femme à pénétrer un bastion réputé jusqu’alors exclusivement masculin. Pour Barbara Kruger, il ne s’agit pas de suivre les traces du militantisme de la décennie précédente mais de pénétrer les galeries et les musées, fiefs masculins, et d’en biaiser les conventions.
L'année 1990 constitue une première rupture. Barbara Kruger réalise sa première installation en s'appropriant totalement l'espace de sa galerie new-yorkaise. Du sol au plafond, des mots et des images s'imbriquent les uns dans les autres. Une certaine virulence dans les propos place le spectateur dans une situation équivoque, celle de sa propre dénonciation.
Par le jeu de l’invective, les slogans de Barbara Kruger convoquent chez le spectateur une prise de position de sa nature de regardeur face à une oeuvre d’art et de l’adéquation devant ce qui s’y inscrit. Le spectateur se trouve ainsi en situation de porte-à-faux entre une attitude d’indifférence ou de rejet face à une œuvre qui fait appel à sa conscience, à son esprit critique et à l’acceptation sans partage de la violence affichée.
Barbara Kruger approfondit ensuite ce travail avec la projection simultanée de trois films au sein de la Galerie Yvon Lambert. Trois murs séparés par de minces cloisons font face au spectateur. Sur chacun d'entre eux, un visage nous regarde. Chacun prononce un monologue d'une incroyable violence, souvent construit à partir de situations entendues. Le plus souvent, il s'agit d'apostrophes destinées à un interlocuteur absent. Aussi le spectateur reçoit-il ces accusations : tu es vraiment trop nul, mais pour qui te prends-tu avec tes belles phrases, etc.
Barbara Kruger prouve que, dans une société donnée, l'imaginaire n'est pas une totalité cohérente. Il englobe une galaxie de figures hétérogènes qui, toutes, déjouent les modèles de communication prônés par les médias.
Le travail de Barbara Kruger ne se limite pas à occuper les seules cimaises des galeries d'art. Livres, insertions dans des magazines, conférences, vidéos et campagnes d’affichage forment un ensemble qui use des ficelles médiatiques pour mieux en démontrer les mécanismes convaincants.