Né à Paris, JR a 33 ans et il aime la photo, les collages et les monuments célèbres. Il aime aussi la rue, les gens et la liberté des installations en plein air. Leur démesure aussi peut-être ! La presse, en tout cas, commente sa nouvelle installation avec enthousiasme. Quand JR fait disparaître la pyramide du Louvre titre l'Est Républicain. Quant à Suptnik France, il voit lui aussi dans cette installation une absorption du monument originel : Effacer la pyramide du Louvre pour provoquer le dialogue, ont-ils choisi comme gros titres.
Apparemment, tous sont arrivés via le Jardin des Tuileries, en passant à côté du Carrousel. Tous ont pénétré dans la cour Napoléon et se sont retrouvés face à une immense photographie en noir et blanc représentant l'une des parties du Louvre. Pour que l'illusion de la disparition soit parfaite, il faut en effet se trouver pile en face de la pyramide. JR a-t-il voulu, en choisissant le noir et blanc, rester fidèle à l'aspect très froid qui se dégageait déjà de la pyramide à cause des matériaux - verre et métal - avec lesquels elle a été construite ? Le noir et blanc contraste en tout cas avec les bâtiments environnants, comme si JR avait voulu redonner au Louvre les couleurs du passé. Si l'on superpose l'image au bâtiment réel, le noir et blanc a cette transparence qui caractérise aussi la pyramide et le bâtiment photographié se superpose alors au bâtiment présent en arrière-plan.
Cependant, et contrairement à ce qui se dit depuis mardi, jour de l'installation de l'oeuvre de JR - qui a dit qu'il fallait du temps pour créer des légendes ? - la pyramide n'a pas complètement disparu. La cape d'invisibilité photographique de JR ne fonctionne que sur un côté et lorsque l'on débarque, comme nous et quelques autres curieux, de la station de métro Louvre-Rivoli, lorsque l'on passe d'abord par la Cour Carrée, on se retrouve bel et bien, en pénétrant dans la Cour Napoléon, face à la pyramide, vierge, inchangée. On fait le tour avec attention, en scrutant chacun de ses angles, jusqu'à arriver enfin devant l'oeuvre promise. On se demande alors pourquoi il a choisi de rester sage et de nous inviter à contempler une seule photo alors qu'il aurait pu répéter le phénomène sur les autres pans. L'amplification, la multiplication des images n'aurait-elle pas généré une perte des repères du contemplateur qui se serait alors senti davantage saisi et surpris par cette oeuvre ? Alors seulement, la pyramide se serait effacée complétement et sa photo se serait parée du plus grand des pouvoirs : remplacer une pyramide commandée en 1983 par François Mitterand et lui chiper jusqu'au 27 juin la place de favorite qu'elle occupe actuellement après La Joconde et La Vénus de Milo.