© Aaron Lindberg
Quel lien entre le tatouage et la photographie ? Certains pourraient débattre pendant des heures à ce sujet. Ces deux formes d'art sont aujourd'hui devenues intimement liées de par ce qu'elles s'apportent l'une à l'autre. Retour sur une histoire singulière entre body art et pellicule.
Pratique ancestrale développée dans les îles Polynésiennes, le tatouage est aujourd'hui étroitement lié à la photographie. Alors que cette dernière n'existait pas encore, nos ancêtres tentaient de reproduire en dessin les ornements fièrement posés sur leur peau. Certains photographes actuels se sont pris de passion pour ces tribus qui ont fait considérablement évoluer cet art et sont partis à la rencontre de leurs descendants qui continuent à arborer fièrement les motifs encrés dans leur épiderme. Le photographe Jake Verzosa a consacré une série entière sur les femmes de la tribu Kalinga vivant dans la région portant ce nom aux Philippines, The last tattooed women of Kalinga, dont les aînées portent le souvenir de toutes ces traditions tribales, qui sont en train de disparaître en même temps que l'évolution de la société.
© Jake Verzosa
© Marc Garanger
© Lars Krutak
© Jeff Bauche
Arrivé en Europe par la mer, via la peau des marins, le tatouage est à ses débuts une pratique marginale mal vue et intéressant majoritairement les malfrats puis les bikers. Malgré une professionnalisation certaine amenée par l'ouverture de nombreux salon, monsieur tout le monde continue de rechigner à passer la porte des shops. Dans le même temps, les prisons révèlent des vocations et les détenus se tatouent à l'aide d'aiguilles et d'encre de Chine. La première rencontre entre la photo et le tatouage reste d'ailleurs judiciaire : les policiers se servaient des prises de vue des dessins des détenus afin de les enregistrer dans un fichier permettant de les identifier à vie. Il faudra de nombreuses années pour que les tatoués perdent leur image de délinquant, même si la pratique reste très répandue dans les gangs, notamment aux Etats-Unis, comme l'ont découvert Jérome Pierrat (journaliste spécialisé du milieu du crime) et le photographe Eric Guillon, qui ont récemment publié un ouvrage dédié à ces criminels encrés : Mauvais Garçons. Ces derniers s'étaient déjà intéressés aux bad boys tatoués lors d'un précédent ouvrage intitulé Les gars de la Marine.
© Eric Guillon
© Robert Gumpert
© Sergei Vasilliev
© Patrick Moore
Avec aujourd'hui près de 2000 salons de tatouages, la France reste malgré tout en retard par rapport au reste de l'Europe dans ce processus de démocratisation du tatouage (10% de la population tatouée). Cependant, ces 30 dernières années ont permis de révéler de véritables artistes, qui ont un style hors du commun et qui pourraient faire bouillir d'envie certains de nos artistes contemporains ou peintres d'autrefois. C'est là que la rencontre des mondes du tatouage et de la photographie devient intéressant.
Le tattoo est désormais accessible à tous, comme le dévoile judicieusement le photographe http://actuphoto.com/28079-spencer-kovats-revele-grace-a-ses-cliches-des-tatouages-caches.html">Spencer dans « The Tattoo Project », où il juxtapose deux photos de la même personne, habillée comme dans la vie de tous les jours puis plus dénudée, dévoilant ses ornements corporels.
© Spencer Kovats
© Julien Dartois
© Mell Photographe
© Leeloo Do
En quelques années, des dizaines de http://actuphoto.com/28079-spencer-kovats-revele-grace-a-ses-cliches-des-tatouages-caches.html">Spencer ont vu le jours dans les divers magasins de produits culturels et une exposition sans précédent se déroule actuellement au musée du quai Branly : Tatoueurs, tatoués.
Reste à savoir si cet engouement pour les livres photos spécialisés dans le tatouage sera durable, ou si il retrouvera sa place marginale dans les prochaines années.
Anaïs Schacher