© ORLAN - En grande odalisque d'ingres (1977)
Aujourd’hui, notre société semble payer cette révolution libératrice. Les grands enjeux faisant progresser toute civilisation sont âprement combattus, à l’image du mariage pour tous qui cristallise, au travers de manifestations divisant la population, un retour au conservatisme le plus radical.
Dans ce contexte, aborder la question du genre et des identités culturelles par le biais de la création artistique semble répondre à l’une des questions majeures de notre temps : Quelle place occupe aujourd’hui les « minorités » dans la société ?
© Pilar Albarracin - She wolf (2006)
Après l’exposition personnelle de Dorothée Smith, qui en constituait le premier volet, et avant « Et autres identités », qui clôturera au printemps 2015 cette thématique en questionnant la place des « minorités » dans la création artistique, « Femina ou la réappropriation des modèles » participe pleinement à cette réflexion. En réinterprétant des modèles parfois iconiques de l’histoire de l’art réalisés par des hommes, les artistes femmes donnent un message éminemment politique à la relecture qu’elles en font. En s’interrogeant sur la place qu’elles occupent dans la création plastique, elles questionnent aussi leur place dans la société.
© Carmela Garcia - I want to be a british girl (2007)
La place des artistes femmes dans l’art contemporain est aux antipodes de celle qui leur a été accordée par l’Histoire de l’Art. Elle va de pair avec celle gagnée dans notre société occidentale au courant du XXème siècle. Très peu de femmes ont eu le droit de cité dans les siècles précédents alors même que leur corps fut le réceptacle de tous les symboles et de tous les fantasmes. C’est seulement à partir des années soixante, qu’elles se sont imposées dans le champ de l’art en se réappropriant leur corps, et en l’utilisant à leur tour comme la source d’un art protestataire, symbole de la lutte féministe progressiste. Nombre d’artistes se sont exprimées à travers le monde par des actes performatifs sur leur corps-même afin d’en dénoncer son exploitation traditionnelle. Parallèlement, certaines artistes se sont penchées sur la représentation sociale puis se sont mises à relire les modèles laissés par l’histoire. Or, le corps féminin est le modèle de l’art par excellence. Il a été traversé par les différents canons historiques du beau et est toujours soumis au dictat d’une beauté référencée. Jusqu’à récemment, le prisme en a été masculin puisque dominé par des artistes hommes. Depuis les années 70, et plus notablement depuis les années 80, les femmes se réapproprient les grandes icônes historiques qu’ils ont laissés pour les retraduire selon des préceptes féminins. Au fur et à mesure, leurs expressions artistiques se sont quelque peu assagies, apaisées à la suite des grandes victoires féministes. Ces artistes semblent ainsi vouloir se réconcilier avec ce qu’elles ont inspiré, tout en corrigeant les discours induits. A l’aune de ces nouveaux positionnements, elles proposent avec ironie des relectures qui démontrent d’une puissance artistique longtemps minorée. Elles imposent à leur tour leur vision de l’histoire et un retournement perceptif tendant à remettre en perspective notre société contemporaine toujours engluée dans ses archétypes.
© Esther Teichmann - Fractal scars, salt water and tears (2014)
Dans de nombreuses parties du monde, les femmes sont encore en lutte pour la reconnaissance de leur statut, et grâce au militantisme de leurs consœurs, elles peuvent s’appuyer sur leurs exemples pour faire jaillir leurs propres dénonciations. Si malheureusement le féminisme reste à ce jour un combat de tous les jours, sa nécessité est corrélativement à l’origine de nombreuses pratiques artistiques fascinantes, ancrées dans des différentiels culturels et une multiplicité de postures qui enrichissent le débat. Cette exposition ne cherche pas nécessairement à présenter une synthèse de ces tendances. De même, elle ne peut véritablement en refléter l’importance tant le nombre de femmes artistes s’étend à travers le monde depuis les années 90. Elle montre simplement quelques exemples significatifs de la scène européenne.
© Trine Sondergaard - Guldnakke (2013)