©Ho. Aleppo Media Center.
James Foley © Nicole Tung / freejamesfoley.org via AP file
Au cours du mois de septembre, des dignitaires musulmans de huit organisations d'Egypte, du Qatar, d'Indonésie, de France, de Grande-Bretagne, du Canada et des Etats-Unis se rassemblent autour de Reporters Sans Frontière pour condamner les crimes de guerre et les violences perpétrées à l'encontre des journalistes.
C'est une manière de condamner, d'assurer une désolidarisation totale des musulmans de l'organisation terroriste, comme cela a été demandé ; mais aussi un moyen de rappeler que la fonction de journaliste est intouchable, que l'information est un droit inaliénable, protégé et défendu même par les plus hautes sphères du sacré.
Car celui qui porte atteinte à un journaliste dans l'exercice de ses fonctions commet un crime immense. Les journalistes sont investis d'une mission d’information, un droit et un devoir inscrit dans l'article 19 de la http://fr.rsf.org/barometre-de-la-liberte-de-la-presse-journalistes-tues.html?annee=2014". Il s'agit donc de protéger l'information et ceux qui la font. Pour que le public ait conscience du monde dans lequel il vit, pour protéger les preuves, créer des archives nécessaires à la mémoire et aux jugements. Oublier le rôle de l'information, c'est négliger la dignité humaine.
Evidemment, chez Actuphoto, nous condamnons nous aussi les actes de violences contre les journalistes et les photographes. Nous pensons aux familles des victimes et aux cent soixante-dix-neuf journalistes encore retenus prisonniers à travers le globe. En Syrie, la situation est particulièrement dramatique. Phillip Chetwind, rédacteur en chef central de l'AFP déclare : « nous couvrons des conflits depuis des décennies mais nous ne nous sommes jamais sentis aussi vulnérables que dans certaines parties de la Syrie où il est devenu trop dangereux de même envisager la pratique d'un véritable journalisme». La désertion des journalistes en zone de conflit est une menace. Acteurs de la transmission de l'information, porteurs d'images et de savoir, dans tous les recoins du monde, la présence des reporters est néanmoins indispensable.
Une question se pose tout de même quant à la perception de l'information rapportée de la guerre ici-bas.
Il y a quelques jours, la 21e édition du prix Bayeux-Calvados récompense les correspondants de guerre. Le 1er prix du public est remporté par le photographe turc Emin Ozmen pour son travail : « Syrie : La barbarie au quotidien » qui montre des images violentes de décapitation de soldats de l'armée syrienne par le groupe de l'EIIL. Or ces images ont crée la polémique dans le jury et parmi les professionnels. Dites « insoutenables », elles sont jugées déplacées et le reportage est rejeté par les médias qui refusent de le publier.
© Emin Ozmen
Est-ce légitime d'écarter le travail d'un reporter qui risque sa vie en rapportant des faits et des images parce qu'elles sont violentes et choquante pour le public ? Le paradoxe est là puisque le prix accordé à Emin Ozmen est attribué par le public lui même. Mais si le public peut être choqué, si les professionnels condamnent, le rejet et la censure semblent être les seules récompenses offertes à ceux qui mettent leur vie en danger pour la mission d'informer.
D'autres ont déjà montré la guerre, et l'ont fait avec d'autres mots et d'autres images. Le travail du photojournaliste Stanley Greene est la preuve que la guerre et la mort peuvent être montrées sans heurter la sensibilité du public. Toutefois, n'oublions pas que la guerre est faite d'horreurs, et n'a rien de poétique. Même si le pouvoir du symbole est fort, le déni de l'horreur est dangereux ; tandis que l'image la plus crue efface les distances et incite à prendre conscience de la dureté du réel.
© Stanley Greene`
Gwendolina Duval