© Davy / Agence VU
Hier, 4 juin 2014, le triste 25e anniversaire des manifestations de Tiananmen était discrètement rappelé. En effet, encore aujourd'hui, la censure fait rage en Chine, tout comme chez ses proches alliés. Un évènement largement tabou, même 25 ans après. Le géant Google a ainsi été bloqué, à l'approche des commémorations, tout comme de nombreux sites d'informations, permettant de fait d'éviter tout bruit, même murmure, concernant Tiananmen, en Chine. Gmail, Maps, ou encore Translate ont été fortement perturbés ces derniers jours, et Linkedin, autorisé en Chine - on ne sait par quel miracle - s'est auto-censuré, pour éviter tout problème avec l'Empire du Milieu. Ce dernier est en effet l'un des seuls réseaux sociaux occidentaux à être autorisé, la Chine bloquant l'accès à facebook, twitter ou encore Youtube. Même skype n'a pas de raison de vivre, dans un pays classé 173e sur 179e dans le classement 2014 de la liberté de la presse par Reporters sans frontières. Tiananmen est donc un mot tabou dans maints pays et régions favorables au régime de Xi Jinping.
Le 4 juin 1989, le gouvernement chinois fait intervenir l'armée pour écraser la contestation sociale qui grondait depuis plus de deux mois en son sein. En effet, étudiants, intellectuels, rapidement rejoins par des ouvriers et de nombreux citoyens de tous bords, ont commencé à dénoncer la corruption, réclamant des réformes politiques et démocratiques. Vivement rassemblés sur la place Tiananmen à Pékin, le soulèvement grandira jour après jour, jusqu'à ce triste 4 juin, où les forces armées procèderont à un véritable massacre, pour écraser – littéralement parlant – tout manifestant. D'après Amnesty International, 1000 personnes moururent sur la place.
Si l'évènement est encore, à l'heure actuelle, complètement censuré par la Chine, pire était la situation à l'époque. Les journalistes chinois, qui ont tenté de rapporter l'évènement ont été emprisonnés voire assassinés, quand aux journalistes étrangers, leur voix a été éteinte, comme le correspondant de CBS Richard Roth et son cameraman, arrêtés et emprisonnés alors qu'ils tentaient de divulguer des informations en direct de la place.
De fait, les images réalisées ont rapidement été une source rare et dangereuse à propager. Certains photographes internationaux sont parvenus à photographier le soulèvement et sa répression. Jeff Widener, alors photographe pour l'Associated Press, ou encore Patrick Zachmann, de l'agence Magnum. Ce dernier a réalisé de nombreuses images de la place, lors des manifestations en 1989, mais aussi plus tard, afin de comparer la situation de l'époque et l'actuelle de ce lieu chargé d'histoire. Des photographies saisissantes, qui résument parfaitement le néant dans lequel sont plongées les commémorations de Tiananmen en Chine.
CHINA. City of Beijing. Tiananmen square. October 2006 and May 1989 © Patrick Zachmann / Agence Magnum
CHINA. City of Beijing. Tiananmen square. October 2005 and May 1989 © Patrick Zachmann / Agence Magnum
Rares, voire inexistantes, ont été les images réalisées par des chinois eux-mêmes. Pourtant, l'Agence VU' a rassemblé des images de ses photographes chinois qui sont parvenus à réaliser des clichés. Un ouvrage, intitulé Chine 89 a ainsi été publié en 1994 aux éditions Flammarion. Touchant, réalisé avec conviction, le livre est remis à l'ordre du jour, plus que jamais. « Il est très rare, dans l’histoire récente, que les photographes d’une nation aient eux-mêmes rendu compte des bouleversements historiques que vivait leur peuple. En rassemblant les images des photographes chinois de l’Agence VU sur les 55 jours de fol espoir de liberté, puis de drame sanglant, qui ont agité la Chine, c’est d’abord un témoignage. Mais c’est aussi la preuve de la participation explicite des photographes chinois au mouvement démocratique. Dès les premiers jours de la répression, le gouvernement chinois a annoncé qu’il utilisait les images photographiques et télévisées collectées par les Occidentaux pour identifier puis interpeller les manifestants. Dès le début des événements, tous les rushes des télévisions occidentals transmis par satellite ont été soigneusement enregistrés et décryptés, ainsi que les bandes des caméras de surveillance installées sur la place Tien An Men et à l’entrée des hôtels pour Occidentaux. Ne pas publier ces documents, hélas, ce ne serait pas protéger ceux qui sont reconnaissables sur les clichés. Ce serait au contraire céder simplement au chantage et, finalement, trahir la volonté des photographes chinois qui, au prix de risques incensés, ont réussi à témoigner sur un épisode majeur de leur histoire. Ces images, ils nous ont demandé de les montrer, de les répandre, de les faire circuler pour que la vérité soit dite et ne soit jamais oubliée. »
Texte tiré du livre : Chine 89, éditions Flammarion
Le reportage est à retrouver ici : http://www.agencevu.com/stories/index.php?id=672&p=159"
Claire Mayer