Avant d’être la représentation d’un espace perçu, le paysage exprime essentiellement une relation établie par le regardeur avec son environnement. Quel « travail » faisons-nous quand nous « voyons » un paysage dynamique du regard et sa restitution par six artistes photographes innerve l’exposition « Nouveau Paysage ».
La série « Radiance » réalisée par Mustapha Azeroual réduit le paysage à son horizon, une ligne-frontière à partir de laquelle il se configure et dans laquelle il s’évanouit. Leur surface vibrante accueille un nuancier de couleurs atmosphériques captées entre l’aurore et le crépuscule.
Mustapha Azeroual nous renvoie ainsi aux origines du paysage et à son déploiement infini, à la lumière comme milieu et condition de son émergence.
Lisa Sartorio vient de la sculpture et de la performance. Dans son travail photographique, elle cherche constamment à surprendre le regardeur en modifiant les paramètres standard de l’image et de son exposition. Une visionneuse de sa fabrication projette un plan d’eau filmé dans lequel se reflète un paysage. Par ce jeu permanent de renvois, elle place le visiteur dans l’horizon d’une attente. Ce dispositif en gigogne le suspend dans la promesse, sans cesse ajournée,d’un dévoilement final.
© Lisa Sartorio, La Visionneuse, 2009
Thibaut Brunet cherche le paysage rare, celui intouché des confins, comme le firent jadis les pionniers de la photographie. C’est dans les jeux vidéo qu’il les trouve. En marge de leur récit d’action, à la lisière de « là où ça se passe », il parcourt des endroits vierges de tout emploi et en rapporte des fragments. C’est d’un changement de point de vue qu’il s’agit proprement : le gamer inquiet se laisse gagner par la rêverie, il décèle la possibilité inouïe de prélever « du paysage » dans des toiles de fond jusqu’alors invisibles.
© Thibault Brunet, Vice City
En superposant des dizaines de photographies de sites touristiques trouvées sur Internet, Corine Vionnet met l’accent sur leur prise de vue plutôt que sur le motif photographié. Ces images surinvesties présentent l’acte photographique comme un rituel aveugle d’appropriation. Leur nature n’est plus contemplative mais conditionnée par un impératif : rapporter le trophée d’un « j’y étais. » La juxtaposition des calques efface leur caractère contingent et renforce les formes du paysage.
© Corinne Vionnet, Opportunities
Une vision amplifiée du paysage singularise également les photographies de Joséphine Michel. En surexposant des images souvent réalisées en milieu urbain, elle tente un équivalent plastique du bruit blanc. Elle restitue l’impact de ce phénomène acoustique où les fréquences sonores se confondent et brouillent les repères du proche et du lointain. Cette perturbation est matérialisée par la force du blanc, sa puissance de saturation et de dissolution.
© Joséphine Michel, Halfway to White
Apprécier un paysage, c’est l’habiter, « faire une halte, inscrire du temps dans l’espace ». La bête aveugle, de Michel Le Belhomme, inverse cette relation d’une intériorité subjective s’ouvrant vers un dehors, qui est le propre de la contemplation. Les intérieurs domestiques qu’il imagine et met en scène ne sont pas habités mais hantés, menacés dans leur intégrité par un dehors envahissant.
© Michel Le Belhomme, La bête aveugle
& INVITES / LES NUITS PHOTOGRAPHIQUES films-photographiques
Dans le cadre de l’exposition, Les Nuits Photographiques ont également eu carte blanche pour programmer une sélection de films-photographiques, oeuvres hybrides à la croisée de tous les supports d’images. Revisitant le catalogue des films-photographiques sélectionnés lors des différentes éditions du festival, Les Nuits Photographiques partagent un autre état du paysage d’auteur.