Head #15 © David Lynch Courtesy Galerie Item, Paris
Lorsque l'on pense photographie, l'idée est vaste. Photojournalisme, photographie culinaire, artistique, architecturale, conceptuelle, animalière, de mode, de publicité, de mariage, ses usages sont nombreux, autant que ses discours. Ainsi, comme tel est souvent le cas, nous avons besoin - souvent et à tort certainement - de vouloir classer, ranger, donner un « titre », une explication à tous ces discours. Ce photographe couvre les conflits, il est photoreporter, celui-ci photographie les ours polaires en Antarctique donc il est photographe animalier.
De la même façon, une exposition photographique aura un rôle à jouer. Informer, lorsqu'il s'agit d'une exposition de photojournalisme, ou encore dénoncer, faire réfléchir son public lorsqu'il sera question d'une série artistique particulière. Derrière chaque démarche, une vocation.
Pourtant, il semblerait que cette vérité attestée puisse avoir quelques failles.
En effet, l'exposition de David Lynch à la Maison européenne de la photographie, qui a ouvert ses portes aujourd'hui, intitulée Small Stories, pourrait bel et bien échapper à la règle. Des images directement sorties de l'imaginaire du cinéaste, crées à l'occasion de l'exposition. Toutes en noir et blanc, d'un genre parfois surréaliste tantôt cubiste, très peu d'informations sont offertes au public. Le texte d'introduction de l'artiste consisterait en l'unique piste : « Les images fixes peuvent raconter des histoires. La plupart du temps, les images fixes racontent de petites histoires. Et il arrive parfois que les histoires intéressantes soient de petites histoires.
Les petites histoires se déroulent sur une période très courte. Cependant, la pensée et les émotions peuvent être impliquées quand on regarde une image fixe, et les petites histoires peuvent se développer jusqu'à devenir de grandes histoires. Tout ça dépend, bien sûr, du spectateur.
Il est quasiment impossible de ne pas voir une sorte d'histoire émerger d'une image fixe. Et ça, je trouve que c'est un phénomène magnifique. »
Mais quelle est l'idée de Lynch ? Quelle démarche mystérieuse se cache derrière ces images troublantes ? « Il n'y a aucune intention, il a fait des images tel qu'il avait envie de les faire, elles sont rassemblées (…) Il faut lâcher prise, non pas être attiré par cette sorte de vertige, mais il y un moment où vous pouvez vous échapper, très facilement, c'est simplement une proposition qui est faite » nous confie Patrice Forest, l'un des commissaires de l'exposition. Une fois les portes de la MEP refermées, l'impression est étrange, celle de... ne pas en avoir.
Alors, l'image doit-elle forcément apporter quelque chose, diffuser un message, encourager une réflexion, ou peut-elle seulement être agréable – ou non - à regarder ?
Quel est le rôle d'une photographie ? En a-t-elle un finalement ?
Une chose est sûre, l'exposition de David Lynch contraste profondément avec celle de http://actuphoto.com/26755--camouflages-de-joan-fontcuberta-a-la-maison-europeenne-de-la-photographie-l-illusion-desi.html",
qui invite son lecteur à réfléchir à la manipulation des discours d'autorité qui nous entourent. Les images de Lynch sont celles d'un univers propre au cinéaste, alors suffit-il uniquement d'y pénétrer ?
Claire Mayer