Difficile de passer à côté du mot élu « mot de l'année » par les Dictionnaires d'Oxford, et de surcroît entré il y a peu dans cet ouvrage de référence. Autoportrait du XXI è siècle, le selfie « est un autoportrait photographique réalisé avec un appareil photographique numérique, un téléphone mobile (smartphone ou photophone) voire une webcam puis téléchargé sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, Tumblr, et autres Flickr) pour renseigner son profil ou son avatar, pour documenter sa présence dans un lieu ou auprès de quelqu'un (notamment une photo volée ou consentante au côté d'une célébrité), partager son état du jour, publier certaines scènes particulières (tel le sexto/selfie d'Anthony Weiner en 2011). Généralement prise sur le vif, ce type de photographie est réalisée avec un appareil à bras portant ou à l'aide d'un miroir lorsqu'il ne comporte pas de caméra frontale. » (http://fr.wikipedia.org/wiki/Selfie").
Son usage sur les réseaux sociaux a augmenté de 17 000 % depuis 2012, et sa popularité, qui s'étend de célébrités en tous genres au pape François lui-même, a de quoi donner le tournis.
Exit la propriété artistique d'un autoportrait, ou le message qu'il serait susceptible de délivrer, le selfie a pour unique ambition de se montrer, sous son meilleur jour bien évidemment, et... c'est tout.
Elu mot de l'année 2013, le selfie séduit certes, mais déconcerte aussi. A l'heure où l'égocentrisme exacerbé prend de l'ampleur grâce à l'utilisation massive des réseaux sociaux, la photographie le serait-elle devenu ?
Bien évidemment, le selfie a été dès lors détourné. Au départ autoportrait au sens strict du terme, il peut être désormais une image de groupe. La condition sine qua non, faire partie de l'image, et la prendre soit-même. Ainsi, un selfie peut également être une photo de vous avec Barack Obama par exemple, mais pour qu'elle le soit réellement, il faut que vous la preniez vous-même, en positionnant votre smartphone à bout de bras, ou en utilisant la fonction « reverse » (comprenez qui inverse l'image face à vous).
Justement, en parlant de Barack Obama et de selfie, celui-ci s'est dernièrement imposé en la matière.
Le 10 décembre dernier, une image de la sorte a fait scandale. Il s'agit de celle de trois personnalités politiques de poids, Barack Obama, le président des Etats-Unis, David Cameron premier ministre britannique, et Helle Thorning Schmidt son homologue danois. Cette image a scandalisé l'opinion publique, car elle a été prise lors de la cérémonie d'hommage à Nelson Mandela. Pire encore, des scénarios dignes de séries télévisées romantiques auraient établi la jalousie non dissimulée de Michelle Obama face à l'empressement de son époux aux côtés de Helle Thorning Schmidt. Ainsi, l'image aurait parlé d'elle-même selon les médias. La belle affaire ce « Selfie-gate » d'après le Sun !
© Roberto Schmidt / AFP
Pourtant, le photographe de l'AFP Roberto Schmidt qui a réalisé cette mise en abyme s'est défendu de toutes ces rumeurs «Quelques secondes plus tôt, la Première dame des Etats-Unis riait et plaisantait elle aussi avec tous ceux qui l’entouraient, Cameron et Schmidt compris. L’air sérieux qu’elle a l’air de prendre sur ma photo n’est que le pur fruit du hasard ».
Il était bien loin d'imaginer l'ampleur que prendrait cette image « Sur le moment, je me suis dit que les dirigeants que je capturais se comportaient en êtres humains, comme vous et moi, et je m’en suis félicité. Pour une fois, personne ne prenait la pose, personne n’obéissait à des directives édictées par des directeurs de la communication (…) Cela me rend un peu triste sur la façon que nous avons de nous égarer sur les aspects les plus triviaux du quotidien, au lieu de voir les choses essentielles ».
« Les photos peuvent mentir » a-t-il ajouté.
A se demander ce qu'Andy Warhol, dont les autoportraits ont une renommée sans précédent, aurait pensé de cette pratique 2.0.
Claire Mayer