© Richard Dumas
La limite de l'acceptation publique d'une image est mince, et surtout bien trop souvent aléatoire. Bienséance, coup de pub, où est la limite d'une censure ? Droit démocratique d'expression ou respect individuel ? Le choix est difficile, mais surtout polémique.
La plupart du temps, la nudité est remise en cause. Celle-ci qui fait vendre avant tout, mais elle porte aussi rapidement préjudice. Au public, au bien-public. A l'heure où notre consommation d'images est considérable, voire complètement démesurée, et surtout difficilement qualitative, la censure est d'autant plus sujet à polémique.
Le métro et les réseaux sociaux, lieux d'exploration les plus importants de notre quotidien, sont les terrains de jeux préférés de ces images qui déambulent incessamment sous nos yeux. Ainsi, le métro s'est vu plusieurs fois être le théâtre de controverses. La dernière en date est l'image – nous ne jugerons pas son contenu, mais l'on s'entend – de la pochette du dernier album d'Etienne Daho. Celle-ci représente en effet une femme légèrement vêtue d'une petite culotte, gantée, aux côté du chanteur, lui-même habillé d'un jean et d'un tshirt. Pourtant, sur les murs du réseau de transport parisien, ce n'est pas l'image initiale qui y est montrée, mais une version plus « raisonnable », couverte d'un bandeau cachant la voluptueuse poitrine de la jeune femme. Au départ annoncé par le parisien comme une censure de Métrobus (régisseur de publicité de la RATP), ces propos ont rapidement été démentis par l'entreprise : « La RATP et Métrobus soulignent que "c'est la maison de disque elle-même (Universal Music) qui a adressé à Métrobus, le 11 octobre dernier, le visuel comportant "Etienne Daho L'innocence retrouvée", en précisant qu'il avait été validé par l'artiste et avait sa préférence ». Ce même artiste qui avait lui-même explicité, avant toute polémique « On ne va pas se mettre à sticker tous les seins des statues du Louvre. La nudité provoque toujours des réactions, certaines femmes trouvent cela sexiste, mais il n'y a pas ça dans cette photo. » Alors hypocrisie en vue d'un coup de pub, ou prise de conscience soudaine du poids de l'image ?
Ce n'est pourtant pas la première fois qu'une campagne d'affichage fait polémique de la sorte. En 2012, celle du spectacle de Stéphane Guillon l'avait été, jugée « trop politique », tandis que l'image de la pochette de l'album de 2010 J'accuse de Damien Saez était trop offensante. Elle représentait une jeune femme nue, dans un caddie de supermarché. Cet affront à la bienséance ne serait-elle pas largement hypocrite, lorsque ces mêmes murs du métro affichent des publicités pour des sites spécialisés en rencontres d'un nouveau type, ou pour des marques réservées à l'intimité ? Où donc la censure doit-elle faire son œuvre ?
Mais le métro n'est pas l'unique terrain de chasse de la censure, les réseaux sociaux le sont également, facebook en tête. Parmi les images circulant sur ce réseau, nombreuses sont celles qui dérangent, alors que certaines se voient parfois censurés, sans vraiment d'explications. Tel a été le cas par exemple d'une étude de nu de la photographe Laure Albin Guillot, postée sur la page du Musée du Jeu de Paume, qui faisait la promotion de son exposition. Le zèle de la brigade de censure de facebook a été jusqu'à bloquer le compte du Musée. Pendant ce temps-là, d'autres sites font leur propre buzz avec des images de nu bien moins pertinentes. Et oui, le nu fait vendre, l'on ne vous apprend rien. Il suffit de voir quelles photographies sont parfois montrées dans des médias spécialisés. L'amour de l'art n'est là que le besoin d'audimat.
Les cas sont nombreux, les questions le sont aussi. Comment décider à quel moment une image dépasse-t-elle les limites de l'acceptable ? L'art peut-il être derrière chaque argument commercial ?
Une chose est sûre, dans ce débat, l'hypocrisie est de mise.
Claire Mayer