Le métier de photographe étant ce qu'il est, difficile, souvent peu rentable et surtout très convoité, nombreux sont ceux qui, pour arrondir leurs fins de mois ou tout simplement subsister, ont recours à des emplois alimentaires dans le secteur de la photographie.
Qui n'a jamais songé à photographier de jolies familles en vacances l'été sur la plage ou des touristes dans un club aquatique ?
Sur le papier en effet, ou plutôt dans l'esprit rêveur de beaucoup, ce type d'emplois saisonniers ou ponctuels sonne avantageux et surtout bien rentable. Mais uniquement sur le papier, malheureusement...
Il y a quelques jours, une jeune femme publiait un article intéressant sur l'envers d'un univers,http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/digipix-m-a-tuer-139143#forum3785731">. Elle y décrit un emploi saisonnier pour une grande entreprise, Digitix, qui l'a employé pour être photographe dans un parc Marineland. Un récit qui donne des informations très instructives « Je crois au job de rêve, pataugeant dans le bassin des dauphins, mon appareil photo au bras en train de shooter des touristes souriants. Ma naïveté me surprend encore. » En détail, elle revient sur le calvaire qu'elle a vécu un mois durant, en travaillant pour une entreprise qui exploite sans état d'âme ses petites mains. « On n’avait pas de formation en photographie, mais on se vendait comme des photographes professionnels. Le plus désespérant a surement été quand une personne est venue voir les photos faites par une nouvelle arrivée et nous a lâché : « Ca, des photos de professionnels ? Vous vous foutez de moi ?! ». Effectivement, les photos étaient mal cadrées, un peu floues … difficile de défendre un tel travail et de garder une crédibilité. »
Ce qui s'applique à ces temples touristiques, l'est aussi pour les autres professions du genre. Un ancien saisonnier que nous avons contacté, Marc L., nous a donné une autre version loin d'être idéaliste du métier de « filmeur ». Souvenez-vous, cette charmante personne qui arpente les plages, restaurants et discothèques et cherche à tout prix à vous convaincre d'immortaliser vos vacances d'été. « Nous avons des mini-contrats, des CDD pour une heure par jour, mais en réalité nous travaillons 12h, le reste est payé au noir, nous sommes commissionné sur les ventes de photos. » Une journée type ? « A 10h, nous arrivons à la plage, nous faisons une courte pause à 12h, puis nous y restons jusqu'à 19h. Ensuite, à 20h, nous allons faire le tour des restaurants pour photographier, et les vendredi et samedi, nous enchaînons sur les boîtes de nuit jusqu'à 4h du matin. »
Le seul mot d'ordre ? Les compétences photographiques. Ah non, pardon, la motivation. Il n'est en effet demandé aucune qualification particulière, même si « faire des études de photographie est un plus » nous confie Marc. « Ils nous donnent des astuces pour démarcher les gens, les bonnes personnes c'est à dire ceux qui ont de l'argent et sont susceptibles d'acheter, et pour les convaincre d'accepter de se faire photographier. Des astuces également pour « sublimer » certaines personnes, pour leur donner envie d'acheter des photos. »
Ces entreprises réalisent bien souvent en une saison leur chiffre d'affaire de l'année, et il est donc important de le réaliser, ce chiffre. Business is business me direz-vous, et c'est sans naïveté que nous pensons, nous aussi, qu'avoir un travail est déjà une chose essentielle, surtout lorsqu'il s'agit d'emplois saisonniers. Mais est-ce une raison pour exploiter les gens, et les user tant physiquement que moralement ?
Ces emplois, temporaires pour certains, à plein temps pour d'autres, est certes un moyen efficace pour soutenir les finances défaillantes de beaucoup de photographes (n'oublions pas que beaucoup de professionnels doivent avoir recours à ce genre de procédés pour pallier à une crise sur laquelle il serait inutile de revenir), mais le prix à payer est élevé, bien trop élevé.
Claire Mayer