© Helmut Newton
La profusion des concours photo est telle, que nous sommes nous-même bien souvent submergés de demandes de publication d'appels à candidature. La plupart du temps, nous relisons avec attention les règlements, trop souvent abusifs en ce qui concerne les droits d'auteur. Nombreux sont en effet les entreprises ou entités artistiques qui se créent volontiers un fonds photographique grâce aux concours qu'ils organisent. Gratuitement, les œuvres deviennent leur propriété, et libre alors à eux d'en faire l'utilisation de leur choix (et d'apporter les modifications de leur choix !) : de nouvelles images pour leurs catalogues, leurs supports de communication ou, (mon préféré), pour revêtir les murs de leurs établissements. En même temps, quelle belle idée, pourquoi ne pas essayer de profiter des artistes et leurs subtiliser la chose la plus essentielle de leur profession, à savoir leur droit d'auteur ?
N'oublions pas que pendant ce temps, de grandes enseignes à la mode vendent des clichés à prix cassés dans des boutiques tendances de quartiers touristiques parisiens. Ces mêmes magasins se permettant de ne pas respecter eux non plus les droits fondamentaux des photographes, et d'étendre leur influence sans vergogne. Tout est normal.
Le point culminant semblerait avoir été atteint par le ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie en personne. En octobre dernier en effet, celui-ci lançait un concours photo pour le moins attractif intitulé « Mon paysage au quotidien, la France vue par ses habitants », dans le cadre duquel les participants sont invités à "Montrer ce qu'ils voient ou aperçoivent depuis leur appartement, la fenêtre de leur bureau, leur cour d’école, pendant le trajet vers leur lieu de travail et le capturer par une photographie !" Sur le papier, une belle idée.
Cependant, l'UPP (l'union des photographes professionnels) a heureusement pointé du doigt ce concours, http://www.upp-auteurs.fr/actualites.php?actualite=1013">en : « Si la possibilité par le Ministère d’exploiter les photographies dans le cadre de la promotion du concours n’est pas remise en cause, l'UPP interpelle toutefois les pouvoirs publics sur le fait que l’article 8) du règlement du concours organisé par le ministère de l'Ecologie dispose que : "du seul fait de l’acceptation de ce règlement, les participants concèdent aux organisateurs le droit d’utiliser leurs photos ainsi que leurs titres et légendes. Cette concession permet à l’organisateur de reproduire ou faire reproduire les photographies, associées ou non à d’autres contributions de quelque nature que ce soit, sur tout support, qu’ils soient papier, électronique, numérique, CD-Rom, réseaux tels qu’internet et intranet, cette liste étant indicative et non impérative."
Une concession qui autorise également les organisateurs "à représenter ou faire représenter les photographies, associées ou non à d’autres contributions de quelque nature que ce soit, que ce soit par présentation au public, projection publique et transmission ou télédiffusion dans tout lieu public ou privé, par tout procédé de télécommunication de sons, d’images, de documents, de données de toute nature. La présente concession est accordée pour le monde entier et pour une durée illimitée. Elle n’ouvre pas de droit à une quelconque rémunération au profit des participants au concours".
Une disposition contraire à l’article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle selon lequel « la transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.».
Il est inconcevable qu’une institution publique profite d’un concours de photographies pour utiliser les oeuvres en dehors de tout lien avec le concours. Il semble en outre tout à fait déraisonnable de faire céder autant de droits aux photographes sur leurs œuvres, a fortiori à tous les participants, si le seul objectif de ces concours est bien de récompenser le professionnel ou l’amateur. »
Il y a peu, un concours proposait aux participants de gagner l'exposition de leur image dans le bureau d'une ministre. Pas de règlement apparent, et des conditions de participations obscures... Finalement, plus rien ne devrait nous étonner.
Tout est dit, et surtout, cela prouve l'excès dans lequel est tombé le concours photographique. Au départ tremplin ou coup de pouce pour les photographes – ce métier n'est pas le plus facile du monde, faut-il le rappeler ? - le concours photo est désormais un business que certaines entités organisent souvent aux dépens des artistes. Les règlements sont bien souvent obscurs (ce serait dommage de tout comprendre du premier coup) et les conditions de participation comme les éléments de cession ou d'utilisation des droits d'auteurs laissent très souvent à désirer.
Que le ministère lui-même parvienne à cet abus prouve bien que le problème subsiste, et s'intensifie. Ainsi, nous recommandons vivement aux photographes souhaitant participer aux concours de lire avec attention leurs règlements. Nous sommes particulièrement attentifs et n'annonçons que les concours gratuits respectant les droits d'auteurs.
Malgré notre attention portée aux règlements des concours, nous espérons que certains ne parviendront pas à se faufiler dans notre liste.
Soyez donc vigilants, très vigilants.
Claire Mayer