© Oliver Aoun. Mai 2013, pour les Grands Magasins de la Samaritaine
La Samaritaine 67-73 rue de Rivoli 75001 Paris France
Ma Samaritaine 2013 : carte blanche à 11 jeunes photographes
« La Samaritaine se prépare à renaître, transformée en un grand quartier de vie contemporain, abritant un Grand Magasin, un Palace, des bureaux, une crèche et des logements sociaux. Entièrement décloisonnée, ne gardant visible que sa structure de verre et d’acier et son décor d’origine, elle s’offre au regard, dans cet état transitoire.
Dans le cadre de la constitution d’une image globale du projet, avec l’envie forte d’ancrer le projet dans l’actualité de la création et de l’expression, onze jeunes photographes se sont vus confier par l’équipe de la Samaritaine une carte blanche. Ils ont dû, après repérage, réaliser entre 5 et 25 photographies, qu’ils ont organisées à leur guise pour, à l’aune de leur regard et de leur sensibilité, s’exprimer et dire ce que le lieu faisait naître en eux.
Je les ai voulus aussi différents que possible, embrassant l’amplitude de la photographie aujourd’hui, du documentaire à la mise en scène, de la poésie à la fiction, de la narration organisée à la plus grande subjectivité. J’ai également voulu que la moitié d’entre eux soient étrangers. Que tous soient jeunes et aient des parcours différents, de l’autodidacte à des étudiants ou anciens élèves d’écoles prestigieuses.
Pour eux, les contraintes ont été fortes : ils n’ont, chacun, disposé que de trois demi-journées pour effectuer leur prise de vue, toujours accompagnés, pour des raisons de sécurité, d’un membre du personnel qui veille sur le bâtiment. Cela a permis, avec une courtoisie jamais démentie, des rencontres et des surprises. Et quelques grands rires malgré des emplois du temps qui ont tourné au casse-tête et une météo des plus frustrantes pour ceux qui avaient pour projet de capter la lumière.
Au résultat, onze regards différents, parfaitement différents, qui réinventent le lieu, le prennent pour prétexte à retrouver leur univers singulier. Onze regards d’aujourd’hui qui ont aimé, vraiment, ces espaces fascinants dans lesquels certains se sont laissés aller à la contemplation quand d’autres les prenaient pour écrin à leur vision et que d’autres les considéraient comme un décor en se sachant privilégiés. On retrouve toutes les propositions actuelles de même que l’on retrouve, des sous-sols à la terrasse, les différents styles architecturaux, les strates de la mémoire, de petites histoires qui vont du polar bien noir à la légèreté d’un souffle poétique.
Le plus important, au final, c’est que nous retrouvons dans la sincérité de ces expressions l’esprit d’un lieu complexe. Et que, à chaque fois, les images ressemblent à leurs auteurs. Nous devons les remercier de nous avoir ouvert les yeux sur une Samaritaine qui n’existe pas ailleurs que dans leur point de vue. » Christian Caujolle
Oliver AOUN – France
Visiblement séduit par un lieu dans lequel il lui a semblé entrer des musiques qui lui correspondaient, il a visualisé "les fantômes et les anges" qu’il sentait possibles à chaque coin de l’espace. "Murmure", "chuchotement", "danse des absents", "secrets silencieux" sont les termes qu’il utilise pour évoquer ce travail en demi-teinte, entre langueur et mode légère, entre mystère servi par les teintes et flottement inexpliqué lorsqu’il utilise le noir et blanc. Et il conclut : « Ne reste plus que les traces visibles de leur absence. »
Clément BRIEND – France
Cet explorateur incurable de la projection, des illusions op-tiques, de la vibration, les lumières qu’il rajoute, adore nous perdre dans des constructions savantes qu’il fabrique par des bricolages optiques. Point de Photoshop – vulgaire outil de retouche - mais des installations lumineuses pour lesquelles il a projeté, en variant les thématiques au fil des étages, de l’extérieur dans l’intérieur. Paris est bien là, à nouveau rentré dans la Samaritaine quand, avec une pointe d’humour et des références à l’histoire du lieu, l’eau peut tout envahir, mais avec douceur, sensualité, bleue comme un rêve, somptueuse de plaisir et de souplesse.
© Clément Briend. Mai 2013, pour les Grands Magasins de la Samaritaine
David DE RUEDA – France
Nul ne peut rester insensible à la force et à la diversité des architectures qui constituent le complexe bâtiment de la Sa- maritaine. Encore plus frappant quand l’espace, en attente des travaux, a été entièrement dégagé. Ce qui s’offre au regard est une tentation pour ceux dont le regard gourmand aime cadrer, structurer, affirmer des points de vue. C’est le cas de ce jeune photographe au regard ferme, appuyé, qui se confronte à plus fort que lui et dresse un inventaire – il ne cherche pas à être exhaustif mais il est très complet – des styles qui cohabitent. Pour cela, il a su trouver des points de vue légèrement biaisés par rapport à la frontalité et il rend un travail imposant, aux teintes aussi précises que ses rectangles calculés au millimètre.
© David De Rueda. Mai 2013, pour les Grands Magasins de la Samaritaine
Tomoya FUJIMOTO – Japon / France
S’il est une tendance dominante en photographie en ce moment, c’est bien la mise en scène. Et s’il y a, bien plus que la peinture, une grande influence sur l’esthétique de l’image de l’image fixe, c’est bien celle du cinéma, dans l’idée de fiction, de direction d’acteurs, d’éclairage comme reconstruction du monde, de narration aussi. Pour cette petite série qui interroge – mais laisse parfaitement énigmatiques, suspendus – les moments de relation entre individus, ce tout jeune photographe a poussé la logique à son terme en choisissant un format allongé qui n’existe pas en photographie mais qui nous renvoie à l’écran. Sophistiquées, ses images esquissent tout et refusent de se laisser épuiser par une interprétation impossible : elles nous renvoient à des mondes possibles, à des histoires sans début ni fin, elles sont des esquisses savantes qui ne laissent jamais apparaître – c’est là une de leurs grandes qualités – la somme de travail et d’exigence qui les a permises.
© Tomoya Fujimoto. Mai 2013, pour les Grands Magasins de la Samaritaine
Marion GAMBIN – France
Elle appartient, clairement – et elle le revendique – au monde de la photographie documentaire. Elle souhaite, avec son outil qui la lie irrémédiablement au réel, le décrypter en donnant son point de vue. Ce qui ne signifie pas qu’elle souhaite se contenter simplement d’enregistrer des faits, des lieux, mais qu’elle cherche plutôt à nous donner accès à eux. Elle a donc combiné des espaces choisis dans le bâtiment, ceux qui ont pour elle avait un sens plus fort : « j’ai vu mille lieux et mille histoires, nés de mon esprit et des murs de cette belle dame qu’est la Samaritaine. ». Dans ces espaces qui l’ont séduite, elle a mis en scène des personnages dont on ne sait s’ils vont commencer une action ou si cette dernière vient de s’achever. Tableaux de genre qui ne luttent jamais avec le lieu mais le révèlent, les scénettes s’enchainent car « il y a ce rouge, présent dans chaque image, tel un signe que dans cet irréel, l’ordinaire n’est pas loin. »
© Marion Gambin. Mai 2013, pour les Grands Magasins de la Samaritiane
Marie GRUEL – France
L’architecture est là comme un écrin pour accessoires et souvenirs que la photographe va accrocher, disséminer dans les espaces qu’elle réinvente au gré de sa fantaisie, de ses humeurs, de chansonnettes qui fleurent bon le passé. Plus que de nostalgie, il s’agit d’un jeu léger, aimable, comme un prétexte à nous entraîner à la découverte d’un grenier magique qui fut hanté par de belles dames et des clientes raffinées. Le temps est suspendu, il y a certainement d’autres découvertes à faire dans les cartons que l’on n’a pas encore ouverts et la promenade dans le temps – qui peut réserver quelques surprises inquiétantes – semble pouvoir n’avoir jamais de fin. « Vous venez d’explorer La Samaritaine endormie ».
© Marie Gruel. Mai 2013, pour les Grands Magasins de la Samaritaine
Marin HOCK – Belgique
Strict, précis, soucieux de se positionner face à un énorme espace qui lui est donné comme territoire d’exploration, il reste fidèle à ses engagements documentaires et à sa belle maîtrise de la couleur. Cadre ferme, précis, jamais de bavardage, l’essentiel au bout de l’objectif et une proposition de lecture. Pourtant, le propos, qui se permet quelque ouverture vers l’extérieur, n’est jamais sec : c’est un détail sensible, au niveau de l’agencement des formes ou en raison d’une stridence colorée qui justifiera la photographie ainsi provoquée. « Difficile d’imaginer la foule se hâter dans les artères de cette vielle dame d’acier. Telle une bibliothèque vidée de ses ouvrages, la Samaritaine figure dépouillée de toute son essence. Posée sur ses fines jambes de fer, elle s’est assoupie pour profiter d’un repos bien mérité. Seule une poignée d’hommes aux habits écarlates veille sur elle, au cœur d’une cité qui l’observe patiemment dans l’attente de la voir renaître. »
© Marin Hock. Mai 2013, pour les Grands Magasins de la Samaritaine
Nica JUNKER – Allemagne
Au difficile exercice qui consiste à combiner photographies et texte, à cette façon unique de faire exister un concept et une vision poétique, on reconnaît immédiatement le travail inclassable de cette jeune artiste. La Samaritaine, d’abord rencontre émotionnelle comme le montrent les images est très vite devenue sujet de réflexion sur le passage du temps, la consommation, l’arrêt des choses – qui peuvent renaître – et le bâtiment, dans son élévation, est devenu une structure de projet. La finesse de la réalisation, les teintes fines, les alliances subtiles évitent toute lourdeur qui pourrait guetter un tel projet. « Je voudrais que l’ambivalence de la photo et du texte juxtaposé soit un point de départ pour imaginer les "anneaux" successifs de l’immeuble – aussi personnels que les rides d’un visage humain – et ces événements qui ont marqué sa période, tout comme chaque ride d’un visage raconte un épisode de la vie de celui qui la porte. »
© Nica Junker. Mai 2013, pour les Grands Magasins de la Samaritaine
Marikel LAHANA – France
Radicale, comme toujours, cette jeune femme a débarrassé son projet de toute tentation nostalgique et de toute velléité de description. Avec son aspect brut et habité le bâtiment s’est trouvé correspondre parfaitement à un personnage dont la photographe souhaitait, en dialogue, réaliser le portrait. Un projet à deux, libre et intense, pour cette dame assumant son âge, ses choix d’identité sexuelle, sa liberté qui dialogue avec une jeune artiste libre elle aussi, à l’écoute, capable de transcrire la complexité, de faire cohabiter la fermeté d’un noir et blanc contrasté et la justesse de couleurs joueuses. Numéro d’acteur et caméra complice, modèle qui se donne dans un face à face accepté et fort : dans un bâtiment entre deux moments de son histoire, un équilibre trouvé, sur le fil du rasoir et sans jamais aucun excès gratuit, avec une identité entre deux sexes.
© Marikel Lahana. Mai 2013, pour les Grands Magasins de la Samaritaine
Philong SOVAN – Cambodge
L’espace lui a semblé trop grand, trop séduisant, trop encombré d’évidences d’images données là sous ses yeux à la première visite. Il a alors décidé de vraiment regarder. Lui qui vient de loin a senti Paris à l’intérieur du vaisseau, mais, en le regardant au travers des vitres, il a découvert un monde que seule une attention extrême permet de découvrir. Sur les vitres, des graffiti, des signes, des traces de présences mal décollées, d’inscriptions qui n’apparaissent que lorsque la lumière les frappe correctement durant un bref instant. Il y eut une vie mystérieuse au premier plan, sur ces plans qui vous séparent de la ville et qui pourtant vous la donnent à voir, fragmentée, transformée, tour à tour irréelle et bien présente. Il a attendu la lumière, cadré avec son habituelle précision, s’est approché au plus près en regardant pourtant au loin et il nous fait découvrir un univers insoupçonné même de ceux qui veillent depuis des mois et des années sur La Samaritaine. La photographie comme révélation.
© Philong Sovan / Asiamotion. Mai 2013, pour les Grands Magasins de la Samaritaine
Vladimir VASILEV – Bulgarie
Il est le seul à ne pas être rentré dans le bateau. Il a considéré la Samaritaine comme un îlot au cœur de Paris et il en a, longuement, fait le tour, exploré les limites, apprivoisé passants et visiteurs, voisins et anecdotes. En noir et blanc, dans une forme bien ancrée dans la tonalité documentaire qu’il affectionne mais qu’il a ici détournée de son but. A moins que la réalité ne soit plus riche et surprenante que toutes les mises en scène et les plus invraisemblables fictions. Il a exagéré dira-t-on. Ce n’est pourtant pas lui qui a amené une limousine blanche rallongée là, près du trottoir où dorment des sans abri, ni lui qui a collé le sticker qui transforme un fragment de l’enseigne en déclaration d’amour à Sainte Rita, patronne des causes perdues. Ce polar réjouissant, inattendu, mené tambour battant en dit long sur sa capacité à s’amuser du réel, à le sublimer et à le mettre en forme.
© Vladimir Vasilev. Mai 2013, pour les Grands Magasins de la Samaritaine
MA SAMARITAINE 2013
La Samaritaine, Magasin 3
Du 18 octobre au 17 novembre
Du mercredi au dimanche, de 14 :00 à 19 :00