L'histoire n'aura pas tardé à s'ébruiter et à faire débat sur la toile comme ailleurs. Le photographe du célèbre portrait de Coluche, utilisé depuis 1985 pour la promotion des Restos du cœur, Gaston Bergeret, se réveille aujourd'hui d'une apparente longue période d'hibernation.
Cette image, – que pour des raisons évidentes nous ne pouvons vous montrer explicitement – impossible de ne pas l'avoir en tête. Le portrait en noir et blanc de Coluche, symbole des Restos du cœur depuis plus de 25 ans. Il y a quelques jours pourtant, le photographe est sorti de l'ombre (car oui, il faut avouer que peu de gens connaissent réellement son identité), réclamant un dédommagement pour la très large utilisation de son image, et criant au scandale du droit d'auteur. En effet, l'abus de cette photographie a été tel, qu'au-delà de TF1 qui retransmet le spectacle des Enfoirés, Universal Music France qui reproduit l'image sur les jaquettes des albums (entre autres), c'est une marque de Tshirt très connue, Eleven Paris, qui a repris l'image, en ajoutant une moustache qui n'existait pas, afin de vendre au profit – nous l'espérons total - de l'association. Cette opération a été la goutte de trop, et le photographe est immédiatement monté au créneau, et à juste titre. De quel droit modifie-t-on l'image d'un photographe, aussi emblématique de surcroît, et surtout sans lui demander son avis ?
L'accord entre Coluche et le photographe, à l'époque du cliché, avait été verbal, nous l'imaginons comme un rapport de confiance entre les deux hommes.
L'on comprend aisément la réaction du photographe, qui, même un peu en retard – cette utilisation commerciale ne date pas d'aujourd'hui – veut lui aussi sa part du gâteau. Il n'y a pas de raison.
Ainsi, http://next.liberation.fr/photographie/2013/07/03/restos-du-coeur-les-explications-du-photographe_915552">dans, il s'explique « Le dernier spectacle des Enfoirés, diffusé sur TF1 le 15 mars 2013, où la photographie que j’ai réalisée est affublée d’une moustache, sans aucun lien avec l’activité des Restos du cœur, mais pour l’intégrer dans une collection de tee-shirts édités par une société commerciale, Eleven Paris, m’a convaincu que je devais agir pour arrêter ces dérives. (…) L’ampleur de l’exploitation est considérable (retransmission sur TF1 du spectacle des Enfoirés, émissions après la retransmission , DVD Universal Music et Sony Music, clip, tee-shirts, mur d’images sur la Tour TF1, mur d’images devant RTL, chèques-restaurant, timbres-poste, inclusion de mon travail dans des photographies vendues aux enchères en décembre 2009, etc.). Et le plus souvent sans mon nom ou une quelconque indication permettant de m’identifier comme étant l’auteur de cette photographie. »
Jusque là, tout va bien. Pourtant, la dernière partie de son communiqué aiguise curieusement notre curiosité « Je ne porte pas plainte, mon action n’est pas pénale mais uniquement civile. Elle est aussi dirigée contre les exploitants qui tirent évidemment un large profit du geste désintéressé que j’ai eu il y a vingt-sept ans, (dont les Restos du cœur ont déjà très largement bénéficié) : Eleven, Télévision française 1, Universal Music France, Sony Music Entertainment France, et RTL. »
Que le photographe souhaite attaquer les entités en question, pourquoi pas, mais qu'en est-il de l'association elle-même ? Il lui a été demandé de retirer l'image de tous ses supports de communication, ce qui a été fait. Mais lui demander un dédommagement ? Cette image représentait l'engagement de Coluche, qui était d'utiliser également sa notoriété au service des Restos du cœur, qu'il a lui-même crée. Il serait honteux de réclamer à l'association un dû, aussi fautive soit-elle, alors qu'elle possède en France un rôle considérable d'aide aux plus démunis.
Le photographe termine par « Les Restos du cœur ont gratuitement bénéficié et plus que largement de cette photographie depuis vingt-six ans. Je continue à autoriser gratuitement l’association des Restos du cœur à utiliser ma photographie sans modification et créditée sur les lieux de distribution de repas : c’était mon engagement initial et je m’y tiens. Je demande aux Restos du cœur et aux exploitants que j’ai assignés de le respecter. » Une image qui laisse désormais un goût de rancoeur et qui en a perdu tout son charme.
Claire Mayer