© Seref K.
Au 7e jour des manifestations violemment réprimées par le gouvernement, la tension ne s'amenuise pas en Turquie. Au départ, un rassemblement pacifique stambouliote d'écologistes opposés à la destruction d'un parc vert du centre d'Istanbul. Tout aurait pu s'arrêter là. Mais rapidement et brutalement réprimé par la police, le mouvement a pris une toute autre ampleur.
Une population dont la colère était refoulée a réuni son courage pour dénoncer les failles d'un gouvernement islamiste démocratique. Cette dernière est clairement remise en question en Turquie, à l'heure où les médias ne peuvent librement couvrir les évènements, et les turcs ne peuvent utiliser les réseaux sociaux pour dénoncer et appeler à la résistance... Des twitteurs ont en effet été arrêtés – ils seraient 29 à l'heure actuelle - pour avoir relayés des images des manifestations et appelés à la révolte. Ils sont accusés « d'encourager des actions visant à renverser le gouvernement ». Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan a de fait qualifié Twitter de « nuisible ».
Recep Tayyip Erdogan est en effet la cible des manifestants, qui dénoncent ses pratiques et demandent sa démission. De son côté, en tournée au Maghreb, il attend patiemment la fin du soulèvement de son peuple : « À mon retour de cette visite, les problèmes seront réglés ». Voilà donc un modèle démocratique fort peu encourageant pour un pays qui, ne l'oublions pas, est 154 ème dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.
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Le 4 juin dernier, un site très prometteur de cinq étudiantes du Celsa, infolie.fr, publiait un article très engageant (http://www.infolie.fr/nous-voulons-que-le-monde-entier-sache-ce-quil-se-passe-en-turquie/) intitulé « Nous voulons que le monde entier sache ce qu’il se passe en Turquie ». Le sujet de cet article ? « Infolie a demandé à des stambouliotes de raconter avec leurs mots, les événements de ces derniers jours. Tous ont participé à la résistance organisée dans Istanbul. Tous refusent de baisser les bras tant que ce gouvernement n’aura pas quitté le pouvoir. Après plusieurs jours de manifestations et de nuits blanches d’affilée depuis le jeudi 30 mai, ils ont accepté de nous raconter leur semaine hors du commun ». Les journalistes en herbe ont recueilli des propos essentiels et troublants. Le peuple turc doit s'exprimer, personne ne pourra le contredire. Pourtant, peu de temps après la mise en ligne de cet article, la page du site a été bloquée en Turquie...
Le gouvernement aura beau tenter d'arrêter ou même de contenir son peuple, le mouvement continuera, et surtout s'amplifiera. Malgré ces violentes répressions – un deuxième manifestant est mort depuis le début du soulèvement – et la censure médiatique qui opère en Turquie, les images, une fois de plus, parlent d'elle-mêmes, et ne peuvent qu'être le témoin clé d'un mécontentement trop contenu.
Claire Mayer