15 mars 2011. Trois mois après le début du Printemps arabe, une envie de répression s'empare du gouvernement syrien, qui cherche à éradiquer toute sorte de soulèvement similaire sur son sol. Le climat révolutionnaire n'est pas au goût de Bachar el-Assad, et ainsi débute un conflit qui n'en voit toujours pas sa fin. Près d'un an après, le 3 février 2012, l'une des journées les plus meurtrières depuis le début de la révolte est marquée par des massacres sans précédent à Homs, où l'armée tire au char et au mortier sur les populations civiles.
Un peu plus d'un an encore après, le 27 mai 2013, le Monde met en ligne sur son site une vidéo choc, réalisée par deux de ses reporters, le photographe Laurent Van Der Stockt et le journaliste Jean-Philippe Rémy, qui ont séjournés clandestinement à Damas. Une information alors capitale est révélée grâce à leur travail remarquable, un élément essentiel du conflit sur lequel tout le monde cherchait à fermer les yeux : l'utilisation d'armes chimiques. Là où chercheurs ou entités gouvernementales ont échoués, ce sont deux journalistes qui, illégalement et au péril de leur vie ont rapporté des éléments essentiels... Où placer alors la normalité ? Une vidéo qui parle d'elle-même.
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Ainsi, alors que la Syrie s'enterrait progressivement dans un conflit dont personne ne voyait réellement l'issue, et surtout dont beaucoup commençaient à se lasser, malheureusement, une étape est désormais franchie, puisque l'armée de Bachar el-Assad bombarderait les rebelles – et de fait les civils- de gaz chimiques, dont seule la nature reste à prouver. Les deux reporters du Monde ont uniquement émis une hypothèse, avancée par des médecins syrien sur place : ces gaz pourraient être de la famille du sarin. Alors qu'est-ce que le sarin ? Wikipédia – oui, il aide souvent, avouons-le – nous l'explique : « Le sarin (GB) est une substance inodore, incolore et volatile, de la famille des organophosphorés, extrêmement toxique pour l'homme et l'animal, même à très faible dose (0,01 ppm peut être fatal). On estime qu'il est environ 500 fois plus toxique que le cyanure. Il passe facilement la barrière des poumons et est absorbé par la peau d'où il passe directement dans le sang. Quand il ne tue pas, il laisse de graves séquelles neurologiques. Pour ces raisons, il a été utilisé comme arme chimique, avant d'être considéré comme une arme de destruction massive par les Nations unies (résolution 687). À ce titre, sa production et sa conservation sont interdites depuis 1993. Les États devaient avoir détruit leurs stocks d'armes chimiques avant 2007. En 1952, les britanniques l'ont amélioré pour en créer une version dix fois plus mortelle nommée gaz VX. » Bien évidemment, des recherches sont en cours sur place, puisque des prélèvements ont été réalisés par des médecins syriens, qui se doivent d'en savoir plus.
Alors, au-delà de la gravité de cette information précieuse apportée par deux reporters chevronnés, une question est sur toutes les lèvres : que va-t-il se passer maintenant ? Des vidéos, des images rapportées, désormais des preuves sont données. Une fois de plus, l'image a attesté, prouvé, démontré. Mais cela permettra-t-il aux forces internationales de réagir ? Certes, une guerre civile ne peut faire preuve d'une dualité affirmée. Personne n'est véritablement bon. Alors que le gouvernement syrien est soutenu, entre autres, par l'Iran et la Russie, l'armée syrienne libre l'est certes par ses citoyens, mais aussi par certains pays ocidentaux, ainsi que la Turquie, l'Arabie Saoudite, le Qatar, mais surtout le serait par des jihadistes proches d'Al Qaida. Je vous laisse comprendre.
Mais les armes chimiques sont une étape, un cap que l'on attendait avec appréhension dans ce conflit, sur lequel chacun cherchait à fermer les yeux, surtout Barack Obama, qui voyait l'utilisation de ces armes comme « la ligne rouge à ne pas dépasser », sous peine d'intervention américaine.
Alors, quelles seront les conséquences de cette information cruciale dans le déroulement du conflit ? Secouera-t-elle les forces gouvernementales internationales ? Faudra-t-il des images, encore des images, pour que l'opinion bien pensante internationale se donne les moyens d'agir, d'une quelconque façon ?
Claire Mayer