© Anne Rasquin Piemenson 2009
D’après une idée originale de Patrick Ruet et de Malik Nejmi, été 2010 Caravanes les chiens aboient est une exposition collective à laquelle participent
53 artistes photographes, des photographes amateurs, des familles qui ont prêté leurs images de vacances.
L’atelier du midi propose une exposition photographique autour du thème de la caravane : caravane « motif » pour les auteurs et les amateurs, caravane « vacances » pour les estivants, caravane « habitation » pour les néo-ruraux, caravanes « refuge » pour les personnes défavorisées. Autant de sujets qui questionnent la photographie elle-même (les premiers photographes se sont servi de « roulotte » quand ils partaient en campagne), l’histoire sociale des vacances, et les détournements actuels, volontaires ou involontaires.
Ce sujet au concept mouvant et aux contours incertains, se situe entre l’objet pragmatique et familier à plusieurs générations , et le sujet historique et immatériel d’une vague idée de l’Orient.
La caravane est un objet de nostalgie, une ode à la vie : elle est notre madeleine, un lieu de la mémoire familiale, collective et populaire. « Caravanes » est une exposition qui mêle donc une triple perspective historique, mémorielle et sociologique, construite comme un retable, ou comme une caravane pliante.
Objectifs de l’exposition :
L’enjeu majeur est de réunir différents publics et différents auteurs, entre professionnels de la photographie, amateurs d’images et collectionneurs de souvenirs, afin de créer des rencontres joyeuses et nostalgiques, poétiques et tendres. C’est aussi de proposer une réflexion photographique autour d'un objet du 20ème siècle, lié à l'histoire de la photographie et des vacances, et à un détournement récent d'habitat précaire, ou parfois original.
L'enjeu majeur est de réunir différents publics et différents auteurs / acteurs, entre professionnels de l'image et amateurs, pour créer des rencontres joyeuses, nostalgiques, poétiques, associées parfois à une dramaturgie humaine et sociale.
© Bernard Plossu, Galisteo, 1982
L’exposition :: Caravanes, les chiens aboient Sébastien Spicher, Commissaire associé, 2012
Une caravane ou plutôt des caravanes ? Objet protéiforme et mot polysémique, la caravane ne se laisse pas appréhender facilement. Au seuil de cette idée d’exposition et aux contours de nos premières réflexions, nous sommes confrontés à une première controverse : la caravane est-elle un objet matériel ou un sujet immatériel ? Si la caravane désigne historiquement un groupe de personnes réunies vers une destination commune pour franchir ensemble un espace périlleux, cela devient un concept, une abstraction qui s’incarne dans un mouvement collectif. Caravane des Mages, caravane de pèlerins, de nomades, de porteurs, de cyclistes, caravane publicitaire, caravane de touristes et de voitures, de voyageurs en tout genre... Caravane de fourmis, de rats, d'oiseaux migrateurs. Caravane de nuages. . L’idée de voyage participe de toutes ces caravanes ; des voyages qui se préparent, des voyages fantasmés, qui nous portent, auxquels on s’accrochent pour rêver, des voyages désirés ou associés à la fuite, la poursuite, l’orient, le rêve, la lenteur : la caravane figure le déracinement et l’ailleurs. Or, si la caravane représente aujourd’hui cet objet manufacturé que nous connaissons depuis la fin des années 1950, et conçu pour former un couple avec l’automobile, les lignes sémantiques se déplacent. À ce propos, comment se représenter une caravane ? Simplement, il s’agit d’une « remorque aménagée » destinée à être habitée (pour les vacances). Cette définition est certes élémentaire, mais elle dévoile en réalité un objet pragmatique et prosaïque qui ne laisse que peu place au rêve et au voyage évoqués ci-dessus ; la dimension onirique s’éteint.
© Lucien Clergue
Cependant, l’objet est tellement familier que nous avons tous une expérience de la caravane. Source universelle d’anecdotes, la caravane fait partie du patrimoine imaginaire occidental. La caravane appartient aux icônes des années 1960, au même titre que les stars de l’époque, la télévision ou les tournes disques. À l’heure où les mobile-homes supplantent notre bonne vieille caravane, elle devient un objet de nostalgie et n’ayons pas peur de l’emphase : la caravane est notre madeleine. La caravane est un lieu de mémoire, un lieu de la mémoire familiale, un lieu dans lequel s’épanouissent toutes les mythologies individuelles. Dans ces conditions, une question s’impose : comment la photographie peut-elle appréhender ce sujet aux contours incertains ?
© Malik Nejmi depot Orleans 2012
D’une part, il s’agit de ne pas réduire le sujet à l’un de ses multiples aspects, d’autre part il ne faut pas vouloir être exhaustif, sans quoi la caravane risque de s’ensabler. À l’image de l’objet, la caravane est un concept mouvant, voire fuyant. Or la photographie permet de figer le temps, de réduire la durée à l’instant, de rendre éternel ce qui est fugitif.
La caravane est prise dans une triple perspective historique, mémorielle, sociologique et contemporaine. À l’Atelier du midi en 2013, le bruit de l’exposition fera dire aux visiteurs : Les chiens aboient, la caravane passe.
La triple perspective de l’exposition, quelques réflexions...
La triple perspective de l'exposition veut faire la lumière sur un paradoxe politique contemporain et le révéler par la photographie. La caravane est un habitat secondaire et éphémère. Le temps des vacances se constitue une petite utopie dans laquelle les contraintes de la vie courante semblent disparaitre pour laisser place à une existence légère et insouciante.
© Sebastien Spicher Tarascon 2013
A l'échelle familiale, cette petite utopie se distingue par une temporalité simplifiée, recentrée autour de quelques moments forts comme la baignade, l'apéritif ou le barbecue. Les obligations et tensions s'évanouissent pour retrouver une vie presque primitive qui se joue autour de cette cabane-caravane. Chacun tente d'oublier que cette utopie est éphémère et que l'état de nature retrouvé n'est plus compatible avec le monde contemporain. Le caravanier n'est pas un anachorète, il aime à trouver ses semblables, à se réunir autour d'un espace commun.À l'échelle collective, ces caravanes rassemblées forment une petite république autogérée qui comporte ses codes, ses règles et parfois même ses figures tutélaires. Un vieux campeur qui sait apaiser les problèmes de cohabitation ou résoudre l'insoluble équation pour monter un auvent... On voit à quel point l'habita détermine l'organisation sociale, entre utopie et république, la caravane engendre une micro-société d'apparence plus égalitaire. Cet argumentaire fait cependant émerger une aporie concernant la caravane des mal-logés. Si la caravane est un lieu propice à l'égalité et aux valeurs républicaines comme nous venons de le montrer, pourquoi les mal-logés en caravane sont-ils en marge de notre république ? La caravane ne serait-elle tolérée et tolérable que pendant la période estivale ? La caravane subie est-elle une "verrue" de l'ensemble architectural français ? Autant de questions qui ne trouveront des réponses sociologiques et des solutions politiques.