Les mots, comme l'image, ont un poids considérable dans une société, surtout lorsqu'un débat fait irruption dans la sphère publique. Une image publiée aujourd'hui fera en quelques minutes des ravages sur la toile, tant l'hyper-réactivité liée à internet est importante.
Un mot, sans être celui de trop, en aura la même portée. Ainsi, lorsque Frigide Barjot, l'une des porte-parole de la « Manif pour tous », mouvement d'opposition anti-mariage pour tous déclare « Si Hollande veut du sang, il en aura », évidemment, l'équivoque n'est pas de mise. C'est donc en toute légitimité que la militante a retiré ses propos, déformés selon elle : « Parce qu’après le coup de force de vendredi au Sénat et la précipitation à l’Assemblée nationale, je n’ai JAMAIS appelé à la « haine et au sang » mais toujours à la paix, au calme et contre l’homophobie. (...) Après des mois de négation de notre mouvement par le président, les ministres et jusqu’au rapporteur du projet de loi au Sénat, cela a de quoi mettre le pays à feu et à sang, et moi comme les Français, dans tous mes états.
Mais le seul responsable en est François Hollande, et son gouvernement, pas Frigide Barjot, ni la Manif Pour Tous ! Il faut donc lire une phrase – sortie de son contexte – ainsi « Le président veut du sang, il y en aura de sa seule responsabilité ! » Ces mots sont les siens, issus de son blog personnel (http://frigidebarjot.com/).
Des propos forts de sens mais non-démentis, ceux de la personnalité politique Christine Boutin, sur son compte tweeter le 13 avril dernier : « la guerre civile que je craignais en marche ! ».
Deux personnalités écoutées, ultra-médiatisées, souvent adulées. Le danger règne, la montée de la violence inquiète. Et pour cause, les manifestations populaires contre le projet de loi autorisant le mariage des personnes de même sexe se multiplient, « ce ne sont pas des opérations coups de poing, mais nous allons seulement accueillir les ministres chez eux » se défendra Frigide Barjot, récemment invitée de l'émission « Le Grand 8 » de la chaîne Direct 8. En attendant, les groupes extrémistes se faufilent partout, gangrenant un sentiment ambiant qui n'a rien de rassurant. Les liens entre les différents groupuscules sont obscurs, ils se soutiennent autant qu'ils s'en défendent. La vérité ? Difficile à trouver. Mais la réalité, quant à elle, est bien là.
Hier, mercredi 7 avril 2013, un journaliste de LCP (La chaîne parlementaire), cameraman, a été violemment pris à parti à la fin d'un rassemblement anti-mariage pour tous à proximité de l'Assemblée nationale. L'image, comme toujours forte de sens, tournait en boucle sur twitter dès ce matin. L'image, encore l'image... Son poids est incommensurable, mais surtout incontestable. Contrairement aux mots, pas de démenti possible, pas de retour en arrière. Ah, si, parfois l'image tente d'être commentée : un militant anti-mariage pour tous a cherché à l'expliciter sur son blog (http://fikmonskov.wordpress.com/2013/04/18/limage-drole-du-jour/) : « Rappelons que la moyenne d’âge des manifestants qui restent après la dispersion de LMPT (et c’est le cas ici puisqu’il fait bien nuit) est clairement de 23 ou 24 ans, et qu’il y a très peu de personnes dépassant la trentaine. C’est logique : eux ne sont plus étudiants, ont un boulot, parfois des enfants, et ne peuvent donc pas se permettre de finir au poste. Et peut-être n’ont-ils plus l’envie d’en découdre, ça arrive. Et là, manque de pot, les agresseurs sont trois quarantenaires, qui ne ressemblent en plus pas vraiment au cliché « jupe plissée chaussure bateau » qu’on nous sort si souvent. Ce que les journalistes agressés se sont bien gardés de signaler, bizarrement. »
Dans la contestation incessante des militants anti-mariage pour tous, les images ne manquent pas, elles parlent d'elles-même.
Claire Mayer