« Mes photos s'inscrivent dans les archives éternelles de notre mémoire collective. Je sais que les photographies peuvent pousser les responsables à agir. Sans les images de la guerre civile et de la faim en Somalie, personne n'y serait intervenu. Sans les photos de la Bosnie, la guerre s'y poursuivrait peut-être toujours. » James Nachtwey.
Ainsi est le rôle de l'image, un rôle primordial, celui de témoigner, dénoncer, pour mieux avancer.
Pourtant, nombreux sont ceux qui ne sont pas en adéquation avec l'essence même du photojournalisme. Ainsi, la guerre au Mali illustre la réticence qu'ont beaucoup de politiciens et responsables militaires à montrer la réalité du conflit. Les photographes le disent eux-mêmes, leur présence sur place dérange, et leurs accès sont plus que limités. S'agirait-il de cacher la réalité du conflit, pour en faire une guerre « propre » ? Jérôme Delay, de l'Associated Press, sur place depuis plus de 15 jours, et dont les images circulent en masse dans la presse, le confie à Telérama : « C'est mon sixième conflit, et je n'ai jamais vu ça. Même embedded avec les Américains en Irak et en Afghanistan, on avait accès aux combats. L'armée française s'y refuse. Elle veut une « guerre propre », un conflit avec des images contrôlées. Cela rappelle fâcheusement la guerre d'Algérie, où déjà la Grande Muette avait réussi à empêcher les photographes d'accéder aux combat. »
Le travail des photographes sur place n'est pas aisé. Les enlèvements et assassinats de journalistes, répétés depuis plusieurs mois, n'encouragent pas leur ténacité à témoigner, à juste titre. Les images qui nous parviennent du front sont teintées d'optimisme, le discours des autorités françaises et maliennes positif, mais qu'en est-il vraiment ?
Le Chef de la cellule communication de l'état-major des armées, le colonel Thierry Burkhard s'en défend : « J'ai l'impératif de préserver la dignité de mes soldats. Et je ne me vois pas montrer des photos de cadavres ennemis pour la même raison. Je suis parfois surpris de l'attitude morbide des journalistes. »
Cacher la vérité pour protéger, ou sélectionner l'information pour mieux contrôler ? Une chose est sûre, l'image est essentielle, précieuse. Le monde doit savoir. Même si cela n'est pas toujours facile à avaler …
Claire Mayer