© Reuters/Zoubeir Souissi
17 décembre 2010. Mohamed Bouazizi tente de se suicider en s'immolant devant le siège du gouvernorat. Une fois de plus, ses outils de travail, une charrette et une balance, lui ont été confisqués. Pour ce vendeur ambulant, c'en est trop, et d'un geste désespéré, il tente de mettre fin à ses jours. C'est seulement le 4 janvier 2011 qu'il s'éteindra à Ben Arous, près de Tunis, où il était hospitalisé. Cet acte isolé ne passera pas inaperçu, bien au contraire. Ce sera le point de départ d'une révolte civile qui va progressivement enflammer le pays tout entier, avant de s'étendre sur d'autres pays arabes.
Ainsi débuta-t-il, le printemps arabe. La Tunisie a donc été son berceau, las du régime dictatorial de Zine el-Abidine Ben Ali, à la tête du pays pendant 23 ans. La suite, nous la connaissons. L'Egypte, la Libye, le Yémen, le Maroc, nombreux sont les pays arabes qui, en proie à la théorie des dominos, se soulèvent contre le pouvoir en place, trop souvent archaïque, totalitaire, et empreint de kleptocracie.
Pourtant, le 6 février 2013 bouleverse soudainement l'ordre des choses. Chokri Belaïd, dirigeant du mouvement des patriotes démocrates (MPD) qu'il avait lui-même fondé en mars 2011, est tragiquement assassiné de quatre balles devant son domicile. Immédiatement, des manifestations font rage sur le lieu du crime. L'assassinat politique est rare en Tunisie, mais Chokri Belaïd avait récemment, d'après son épouse, reçu des menaces. Figure de l'opposition tunisienne, cet avocat défenseur des droits de l'homme luttait avec ferveur en faveur des droits fondamentaux, comme l'a souligné Reporters sans frontières dans son hommage : « Reporters sans frontières condamne avec la plus grande fermeté l’assassinat de Chokri Belaïd, secrétaire général du Parti des patriotes démocrates unifiés, ce 6 février 2013.
Figure incontournable de l’opposition tunisienne, Chokri Belaïd était d’abord un homme de convictions et un ardent défenseur des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Avocat, il n’a pas hésité à s’engager à maintes reprises pour défendre journalistes et blogueurs inquiétés par la justice tunisienne pour avoir usé de leur droit d’informer.
Reporters sans frontières salue avec émotion le combat de Chokri Belaïd en faveur de la liberté de la presse et adresse ses plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches. L’organisation demande que les responsables et commanditaires de cet odieux assassinat soient identifiés et traduits devant la justice au plus vite. »
Le doute plane encore quant aux commanditaires de cet assassinat. Pourtant, les manifestations font rage, et un appel à la grève générale a été aujourd'hui même lancé par le principal syndicat tunisien, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) en réponse à cet homicide.
Nombreuses sont les images de révolte qui ont marqué nos esprits lors du printemps arabe. Des images que nous préférerions tous oublier. Il est sans doute encore trop tôt pour le spéculer, pourtant, le calme apparent qui régnait sur la Tunisie depuis le départ de Ben Ali semble désormais menacé...
Claire Mayer