© Issouf Sanogo
Toute image, quelle qu'elle soit, a toujours besoin d'une interprétation. Curieusement, l'image parle difficilement seule d'elle-même. Pourtant, l'on pourrait penser que tout est dit dans une photographie, que tout est là, sous nos yeux, et qu'elle n'a pas l'utilité de s'encombrer de mots.
Pourtant, l'image s'en sort difficilement seule. Certes, elle est le témoin inébranlable d'un événement. Mais elle peut trop aisément être mal interprétée, et expliciter autre chose que ce qu'elle semblerait.
Cela a été le cas cette semaine de la désormais célèbre photographie d'Issouf Sanogo, photographe de l'AFP. Cette image d'un soldat au Mali, dont le visage est recouvert d'un foulard représentant une tête de mort, a fait un véritable scandale sur la toile, et a bien entendu, beaucoup fait parler d'elle. Au départ interprété comme une provocation, et une malvenue ressemblance avec les personnages du jeu vidéo de guerre Call of Duty, l'affaire est depuis allée bon train.
Nombreux ont été les cris du cœur dénonçant la provocation de ce soldat. Pourtant, un rebondissement de taille a donné à ce scandale une nouvelle tournure : l'explication du photographe lui-même. En effet, pas de défi, de menace ou d'incitation à la violence mais... un foulard pour se protéger de la poussière. Explication faite grâce à l'AFP elle-même qui a publié le récit du photographe à propos de cette scène : « Je me trouvais aux côtés de militaires français stationnés à côté d’un terrain vague, près de la préfecture de Niono. Un hélicoptère était en train d’atterrir et soulevait d’énormes nuages de poussière. Instinctivement, tous les soldats à proximité ont mis leurs foulards devant leurs visages pour éviter d’avaler du sable. C’était le soir. Les rayons de soleil filtraient à travers les arbres et les nuages soulevés par l’hélico. C’était une belle lumière. J’ai repéré ce soldat qui portait un drôle de foulard et j’ai pris la photo. Sur le moment je n’ai pas trouvé la scène particulièrement extraordinaire, ni choquante. Le soldat ne posait pas. Il n’y a aucune mise en scène dans cette image. Le gars ne faisait que se tenir là, en se protégeant le visage de la poussière, en attendant qu’un hélicoptère se pose. Personne, non plus, n’a tenté de m’empêcher de prendre la photo. »
Adieu les provocations, et scandales en tous genres, il s'agissait ni plus ni moins d'une scène du quotidien d'un soldat au Mali, le foulard en plus. Et non d'un rebelle de l'armée ou d'un personnage incitant à quelconque violence...
Ainsi, une image est souvent bien esseulée sans les mots qui l'explicitent. C'est certainement avec beaucoup de déception que les plus à l'affût de scandales médiatiques ont lu le récit du photographe. Ne vous inquiétez pas pour cela, un prochain « buzz » pointe toujours à l'horizon !
Claire Mayer