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Beyond the Document - Photographes belges contemporains. L’exposition se penche sur la relation entre la photographie artistique et documentaire et met à l’honneur les œuvres de 14 photographes belges : Gilbert Fastenaekens, Thomas Chable, Chantal Maes, Philippe Herbet, Christine Felten, Véronique Massinger, Vincen Beeckman, Arno Roncada, Jan Kempenaers, Bert Danckaert, Nick Hannes, Herman van den Boom, Lara Dhondt et Karin Borghouts.
Photographie documentaire vs artistique. L’impact de la photographie sur la culture (de l’image) contemporaine est énorme. La photographie et, par extension, les techniques de traitement des images numériques pénètrent dans tous les secteurs de la vie sociale : sphère professionnelle et privée, art, fiction et réalité. Mais cette production de masse de matériel visuel menace de dévaloriser l’image en elle-même. Le choix d’une photo publicitaire se base en effet plus souvent sur son impact médiagénique que sur sa valeur documentaire ou son contenu. Dans ce sens, nous sommes donc les victimes d’une sorte de censure puisque nous ne pouvons voir que les images qui répondent aux critères sélectifs de la sensation commerciale. En outre, il est désormais possible de manipuler les images en un clin d’œil et de manière presque invisible, ce qui porte préjudice à la confiance dont bénéficiait jusqu’à présent le photojournalisme. L’objectivité de notre perception est donc à nouveau remise en question. Notre première réaction consiste généralement à nous détourner de cette culture de l’image de masse et commerciale et à nous faire l’apôtre d’un minimalisme épuré dans la production visuelle. Pourtant, ce n’est pas de moins d’images dont nous avons besoin mais bien d’images différentes, de documents avec une autre valeur ajoutée que celle du médiagénisme brut.
Depuis les années 70, l’art a commencé à s’intéresser au document. Les artistes se sont appropriés le document neutre et objectif et en ont fait la base de leur travail, qui consiste à le transformer en une œuvre subjective et conceptuelle. L’intérêt de la photographie pour le document remonte au couple de photographes Bernd et Hilla Becher, dont le traitement extrêmement épuré des images d’archéologie industrielle a donné naissance à de nombreuses séries de clichés qui étaient considérés, non plus comme des documents historiques, mais comme des œuvres d'art, en raison de leur approche et de leur concept. Bernd et Hilla Becher ont eu de nombreux successeurs, des photographes qui approchent le document d’un point de vue subjectif et artistique, non plus pour en minimaliser le contenu documentaire, mais plutôt pour y ajouter une plus-value. Durant les trois dernières décennies, une part non négligeable de la photographie internationale s’est intéressée à la relation entre la réalité sociale et historique et l’approche subjective, conceptuelle ou artistique. Les photographes mettent en scène ou dramatisent la réalité, s’affichent comme l’un de ses protagonistes ou réalisent des séries avec pour point de départ un concept personnel et rigoureux. L’ancienne ligne de démarcation entre l'œuvre d’art et le document, entre l’interprétation subjective et la représentation objective, est en train de s’estomper. La photographie créative s’affiche désormais comme un amplificateur du document.
Les photographes sélectionnés. Aujourd’hui, quelle place les photographes belges contemporains occupent-ils dans ce grand laboratoire de la « composition d'images créatives » ? À l’instar de la photographie d’art internationale, une partie de la photographie belge oscille aussi entre trame documentaire et « tableaux » conceptuels ou métaphoriques. L’exposition Beyond the Document met à l’honneur la photographie belge contemporaine qui mêle « document » et « œuvre d’art » ou, en d’autres mots, combine sur un même support objectivité et subjectivité, fiction et réalité, reportage et concept. Il s’agit d’une sélection bien définie. L’exposition n’a en effet pas la prétention de présenter une anthologie de la photographie belge contemporaine dans son ensemble.
Parmi les 14 photographes sélectionnés, Gilbert Fastenaekens est celui qui travaille depuis le plus longtemps à la composition d’images créatives. À la base de son œuvre se trouvent des typologies bien définies à partir desquelles il approche la réalité d’un paysage (urbain). Dans Beyond the Document, il présente huit documentaires photographiques monumentaux sur Bruxelles, chacun basé sur une certaine vision de la ville qui, en combinaison avec les autres, offre une expérience urbaine précisément orchestrée. La série d’Herman Van den Boom sur les jardins belges est tout aussi conceptuelle. Il l’a soumise à des règles extrêmement strictes, dictées par une idée savamment étudiée. Arno Roncada se concentre également sur des concepts rigoureux (« unité », « immensité », « néant ») pour composer ses paysages. Quant à Jan Kempenaers, il utilise d’impressionnants blocs de construction comme autant de métaphores de « monuments », du « déclin » ou de l’« histoire ». Dans les prises de vue urbaines bien réfléchies de Bert Danckaert, les murs deviennent des tableaux abstraits, des marines ou des exercices de perspective. Chez Thomas Chable, Philippe Herbet et Lara Dhondt, l’expérience subjective est traitée de manière structurelle dans la photographie. Dans La peau des choses, Thomas Chable rassemble des images de différents reportages qui forment une sorte de grande narration visuelle sur le mur, une métaphore du voyage ou du sentiment universel d’aliénation. Philippe Herbet accompagne son reportage sur la Biélorussie d’une fiction passionnelle qu’il a lui-même écrite. Lara Dhondt documente des concepts tels que « la maison », « la protection » ou « la sécurité » à l’aide de mises en scène photographiques. Les métaphores sont également subtilement présentes dans les reportages de Nick Hannes. Chantal Maes tente de capter l’instant insaisissable entre deux situations à l’aide d’images stéréoscopiques, à l’instar du duo de photographes Felten-Massinger, qui tente de fixer le temps qui passe, ou de Karin Borghouts, qui compose des images dans lesquelles l’absent est le principal protagoniste. La gigantesque installation de Vincen Beeckman documente la réalité sociale d’un restaurant chinois, dans lequel il se met en scène, au moyen de photos personnelles ou récupérées. Vincen Beeckman considère d’ailleurs la photographie comme un acte social.
En mettant l’accent sur la métaphore, l’abstraction, le concept ou l’invisibilité, ces photographes nous apprennent à regarder le document de manière plus approfondie. L’exposition Beyond the Document est donc une invitation à explorer la photographie contemporaine, dans laquelle le document objectif et l'approche subjective et artistique ne sont pas contradictoires, contrairement à ce à quoi la tradition nous a habitués, mais se complètent mutuellement dans des images avec des degrés de compréhension et d'expérience inattendus.
Curateurs : Xavier Canonne (Musée de la Photographie de Charleroi) ; Pool Andries (FotoMuseum Antwerpen) ; Frank Vanhaecke (BOZAR EXPO)
Coproduction: BOZAR EXPO, FotoMuseum Provincie Antwerpen, Musée de la Photographie à Charleroi
Soutien: Vlaamse Gemeenschap
Sponsor: Nikon