Sans titre Tirage gelatino-argentique ancien, 36,7 x 24 cm, signé © Estate of Helmut Newton, courtesy galerie SAGE Paris
Qu’est-ce qui unit l’intimité lascive des tirages réalisés dans les années 40 par Carlo Mollino, génie complexe et électron libre, et les amazones modernes dont Helmut Newton glori e l’érotisme provocant des années 80 ?
La femme, muse dans toute la splendeur de son corps nu, offert à nos regards. À travers dix-huit tirages anciens, SAGE Paris présente une rapide histoire du nu et de son évolution, des images con dentielles de l’Italie d’avant- guerre aux clichés froids et stylisés, inspirés par la photographie de mode des années 80.
De l’ingénue à l’insolente, elles s’offrent à vous du 9 février au 8 avril.
Sans titre
Tirage gélatino-argentique ancien, 24 x 29,5 cm
© Estate of Carlo Mollino, courtesy galerie SAGE Paris
Carlo Mollino est un des esprits artistiques les plus fascinants de son époque. Connu de son vivant pour ses designs et son architecture, autant que pour ses exploits sportifs, le public découvre à sa mort en 1973 des centaines de photographies qu’il a réalisées tout au long de sa carrière, et gardées précieusement cachées. Cette découverte enchante autant qu’elle étonne les amateurs, et révèle encore une autre facette de l’homme et de l’artiste.
Ses photographies les plus célèbres sont celles produites au cours des années 1960, les Polaroids aux couleurs fanées, qui représentent des jeunes femmes, vêtues ou non, portant accessoires, perruques et costumes, lançant un air lascif à l’appareil. Ces jeunes femmes ont été dites être des étudiantes, petites amies, danseuses, prostituées, beautés de la vie nocturne turinoise séduites et photographiées se dénudant, dans les décors familiers à Mollino. En effet, paravents, miroirs, lits, rideaux, chaises et mobiliers divers, sont ceux de la villa Zaira et ceux de sa dernière résidence dans la via Napoleone à Turin, véritable écrin à la manière des pyramides égyptiennes qu’il façonne pour l’accueillir dans l’au-delà, et dont on retrouve le mobilier et les éléments décoratifs dans certaines photographies. Ces Polaroid à l’ambiance baroque et surannée d’un boudoir ou d’un gynécée moderne, sont très étudiées. La composition, la lumière, sont savamment travaillées, de même que les images elles-mêmes sont adoucies, pour correspondre plus à l’idéal féminin de Mollino. Les teintes sont sourdes mais restent douces, les poses érotiques sont contrebalancées par des airs parfois presque angéliques. Sculpturales dans des décors minimalistes, les modèles sont sublimées, et l’ironique opulence de ces mises en scènes rompt avec le caractère li- cencieux des photographies, rendant parfaitement compte de l’esthétique très précise de l’artiste, faite d’oppositions et de contrastes, entre ombre et lumière, épure et baroque, ésotérisme et sensualité.
Big Nude I, Paris, 1980
Tirage gélatino-argentique ancien, 40 x 30 cm, signé
© Estate of Helmut Newton, courtesy galerie SAGE Paris
Helmut Newton est photographe majeur dont le style a bousculé et renouvelé l’image de mode avec une impétuosité inédite. Portraits, nus, photographies de mode, voilà comment résumer en trois mots son travail. Ces trois thèmes, ces trois directions, sont inextricablement liées, et la photographie de mode se mêle à la fois de nu féminin et de portrait érotique. Pour Newton, d’ailleurs, l’essence même du travail du photographe de mode est de ne pas faire de photographie de mode. Le commercial disparaît derrière un autre propos. « Je crois toujours que la photographie de mode parfaite est une pho- tographie qui ne ressemble pas à une photographie de mode. C’est une photographie qui ressemble à une image tirée d’un lm, qui ressemble à un portrait, peut-être une photo souvenir, ou encore un cliché de paparazzi, tout sauf une photographie de mode.»
Pourtant, si la bonne photographie de mode ressemble à s’y méprendre à la photogra- phie d’art, Newton se refusera à considérer son œuvre comme artistique. « La photo- graphie de certaines personnes est de l’art. Pas la mienne. Si mes travaux peuvent être exposés dans des galeries ou des musées, c’est bien. Mais ce n’est pas la raison pour la- quelle je les fais. » Son travail à lui est celui d’un mercenaire moderne, un tueur à gages (« I’m a gun for hire ») qui met toute sa connaissance et son art au service de son com- merce, au service du commerce des autres. Ces autres, ce sont les plus grands maga- zines, Vogue français, italien, américain, australien, anglais et allemand, Elle, Playboy, Marie-Claire, Queen, Nova, Oui, ou encore Vanity Fair. À travers ces magazines, qui ont largement diffusé ses clichés, il déploie sa vision, son style, son idée de la Femme.