©YVES HUMBERT
Fondation Auer Ory 10, rue du Couchant 1248 Hermance Suisse
« Vous avez 5 minutes pour décider de l’avenir des photos de Monsieur Humbert Yves »
dixit la Juge de Paix.
La décision administrative est sans recours, le passif du photographe est trop important. Choqué, je plaide en faveur de mon ami Yves : il y a beaucoup de collectionneurs dans la région, ses expositions ont eu du succès dans plusieurs pays, il a reçu des prix au niveau national pour ses photos.
Mes arguments restent lettre morte. J’ai la boule au ventre, mais je ne peux laisser détruire des années de créativité et de travail. Faire disparaître toutes ces archives me donne l’impression que cela va réduire à néant des années d’amitié entretenues lors de repas, cueillettes de champignons, pêche, et surtout lors du festival de jazz Nyon, moment unique pour partager une musique qui lui ressemblait, en dehors de toute règle, mais tellement vivante, belle et révoltée, comme lui et son œuvre.
Il est évident que je ne peux refuser ma nomination en tant qu’exécuteur testamentaire. Yves compte heureusement de nombreux amis dans la région. Très vite, se crée un petit groupe composé d’Hélène Baudat, William Patry et d’André Tille. Nous organisons spontanément une vente de la dernière exposition préparée par Yves, pour réunir des fonds. Je m’occupe de gérer les créanciers, passe des heures au téléphone pour négocier des réductions sur leurs exigences... Mes efforts sont bien récompensés.
Il faut maintenant, réunir toutes les photos qui se sont disséminées au gré des rencontres amoureuses d’Yves, chez des amis, dans une galerie d’art de Chicago, puis chez sa mère et sa sœur. Nous sommes bien épaulés dans notre démarche, nous arrivons à réunir 350 tirages originaux et de nombreux négatifs et photos de reportages.
Plusieurs galeries sont approchées. Notre but, après avoir réuni cette collection, n’est pas de vendre, mais de placer ce patrimoine au sein d’une institution pour la photographie. Monsieur Bil Ewing directeur du Musée de l’Elysée à Lausanne porte un certain intérêt à ce travail, il sélectionne150 photos, démarche qui reste sans suite.
Avec la généreuse collaboration de Michèle et Michel Auer et du conservateur du Musée du Château de Nyon, Vincent Lieber, nous organisons une exposition rétrospective au Château de Nyon, avec le soutien de la ville de Nyon, un livre est également publié.
Pour notre plus grand plaisir, une partie de cette collection va faire son entrée au sein de la fondation Auer Ory pour la photographie.
Marlyse et Georges Allenbach, juillet 2016
©YVES HUMBERT
Yves Humbert nous a quitté il y a 20 ans, le 14 octobre 1996. Il est né le 24 juillet à Genève d'un père Vaudois et d'une mère Bernoise. Il passe son enfance au pied du Jura avant de suivre l'école primaire à Nyon où sa famille vient de s'installer, avant d'étudier l'électronique à l'Ecole des arts et métiers de Genève. Dès les années 1960, il s'amuse avec un Brownie Kodak, puis avec son premier salaire, il s'achète un Pentax pour ses 20 ans. Dès l'année suivante, il commence des recherches sur les virages, les procédés anciens pour son thème sur l'eau. Fasciné par les travaux de laboratoire, ses photographies vont rejoindre le dessin, la peinture, l'abstraction pour nous donner à voir une sensation, une piste de sa vision, un instant de couleur. L'image pour lui n'est qu'une réflexion d'une réalité inexistante, elle provoque une évasion fantastique, un désespoir, une angoisse, des visions de phénomènes impalpables, un instant de plaisir où la nuance déclenche le rêve. Parallèlement, il travaille comme photographe de presse et collabore avec des éditeurs et les presses locales, il est un témoin incontournable de sa région, le Léman, les pêcheurs, la Confrérie des Pirates de Rive, la nuit et la musique au Jazz Nyon, les premières années du Paléo Folk Festival, le Théâtre amateur de Prangins... il réalise des reportages comme les Gitans aux Saintes Marie de la Me, Venise, le Léman, les fêtes, le jazz et ses musiciens à New York... En 1969, il s'intéresse au mouvement, ses modèles sont les cygnes du Léman. Il va tirer, laver, blanchir, une sorte de destruction de l'image pour la faire réapparaître autre, opérations subtiles essentielles dans son oeuvre où il va devenir maître. Ses tirages sont dans un format petit, il dit: "Cela oblige les gens à s'en approcher et à s'y attarder". En 1971-72 il travaille à une série sur les matières. En 1974, il est l'un des co-fondateurs de l'association Public, il reçoit le 1er prix de la Ville d'Yvoire sur le thème du Léman, en 1976 et 1977 il reçoit la Bourse fédérale des Arts appliqués, en 1978 le prix spécial au concours UBS à Berne et une distinction l'année suivante, il est sélectionné en 1985 à la Bourse fédérale des beaux-arts, invité par Kodak à la Triennale de la photographie à Fribourg. De 1977 à 1989, il expose dans sa propre galerie des artistes peintres, céramistes et photographes comme Dany Gignoux, René Groebli, Max Vaterlaus et bien d'autres. En 1989, il continue d'arpenter, d'observer, de contempler la lumière, refusant ce qu'il appelle "de la belle image" en s'engageant sur la voie de l'astraction afin de suspendre le quelque chose qui se cache derrière l'image. En 1993, il écrit "C'est le mouvement de rêve perdu, suspendu par l'osseine, gélatine teintée de noirs sels d'argent limpides et transparents, qui fait renaître la pensée d'un instant, l'âme de celui qui la regarde, ces yeux qui ne servent à rien d'autre... C'est ça la photographie, un tombeau pour les imbéciles qui croient que tout est beau et facile...". L'exposition ne montrera qu'un côté de l'oeuvre de YH son travail de recherche sur les thèmes récurrents qui l'ont préoccupé durant toute sa vie.Georges Allenbach compagnon d'école d'Yves et sa femme Marlyse, sont les sauveurs de l'oeuvre du photographe qui était condamné à la benne, l'artiste ayant quelques dettes auprès de l'administration fiscale... Nous les remercions chaleureusement pour leur travail de sauvegarde des mondes d'Yves Humbert et pour leur généreuse donation à la Fondation. M.O.A
©YVES HUMBERT