© François Mouriès
Expositions du 3/6/2016 au 31/7/2016 Terminé
L'Ascenseur Végétal Galerie 20, rue Bouquière 33800 Bordeaux France
Au cours de mon premier séjour dans le sud de la Navarre espagnole, l’impatience de découvrir les grands espaces de ce désert spectaculaire attisait mon enthousiasme. Mais après avoir sillonné ses chemins pierreux et contemplé les canyons aux airs d’Arizona, je constatais qu’il ne me rendait rien. Rien qui ne puisse avoir de sens sans céder à la caricature. Le vent et la lumière éblouissante rendaient ce sentiment encore plus abstrait. Tout ce que je ressentais ici n’était pas traduisible en image et toute tentative était vouée à l’échec.L'Ascenseur Végétal Galerie 20, rue Bouquière 33800 Bordeaux France
© François Mouriès
C’est en traversant à plusieurs reprises les villages périphériques, postés en sentinelle autour de ce plateau aride des Bardenas, que s’imposa progressivement une vision nouvelle et homogène. Un pressentiment diffus se diluait dans cette urbanisation modeste et répétitive, tapie au pied des collines de grès, impliquant une forme de pensée particulière, un langage nouveau à décrypter. Mes premières images révélèrent de façon surprenante ce que j’avais ressenti : un silence habité, une sorte d’exotisme de l’ordinaire, un lointain ailleurs, et puis l’attente. Celle-ci transparaissait partout, à chaque coin de rue, derrière chaque façade, comme si un événement furtif était sur le point de se produire. J’étais à l’affût mais rien n’advenait. Parfois un aboiement au loin, la cloche d’une église ou la voix nasillarde d’un transistor échappée d’une fenêtre en étage renforçait l’impression de solitude. Il me semblait que je n’avais d’autres choix que de photographier l’instant d’avant. La vie réelle m’était occultée, seul le décor presque fictif me suggérait un itinéraire aléatoire à suivre, j’obtempérais.
Alors que les images s’accumulaient, les repères se brouillaient pour laisser place à un imaginaire devenu familier. Un processus s’était enclenché à mon insu me rendant à la fois narrateur et spectateur. A chacun de mes voyages s’instaurait un dialogue intime avec les ombres et les contrastes, les aubes et les crépuscules désertés. Sans plus d’illusion, sans limite de temps ni d’espace, à part celui capturé par le déclenchement mécanique de l’obturateur, je m’appliquais seulement à saisir des cadres pour ces bribes d’histoires sans fin.