© Josef Sudek
© Josef Sudek
La fascination durable qu’exercent sur Sudek la lumière et son absence est à l’origine de quelques-unes des photographies les plus envoûtantes du XXe siècle. Nature, architecture, rues et objets sont magnifiés par sa sensibilité et son intelligence du pouvoir de la lumière qui révèlent comment l’obscurité rend tout impénétrable.
Photographe extraordinairement soucieux de la qualité du tirage, condition du potentiel expressif de l’image, Sudek obtient du procédé pigmentaire le meilleur de son atmosphère et de son pouvoir évocateur, et recueille de l’épreuve argentique sa puissance de réflexion et de description. Outre ses premiers pas dans la carrière, l’exposition présente une période charnière qui débute dans les années 1940, au cours de laquelle il se livre à des expériences novatrices et, se focalisant sur les aspects techniques et formels du médium de la photographie, crée des tirages pigmentaires, des tirages tramés, des puřidlos (photographies entre deux vitres) et des veteše (photographies insérées dans des cadres anciens), techniques qui, toutes, lui offrent la possibilité de transformer la qualité objectale de la photographie.
La perte de son bras droit au cours de la Première Guerre mondiale et les difficultés qu’il rencontre désormais à transporter sa chambre grand format n’ont en rien entamé la passion inconditionnelle qu’il éprouve pour son activité photographique.
© Josef Sudek
La chambre panoramique lui offre la possibilité de saisir son amour de Prague, exprimant avec une profondeur de sentiment allant de pair avec la précision de sa vision la richesse historique et la complexité architecturale de la capitale tchèque.
Comme beaucoup d’artistes de sa génération marqués par leur expérience de la guerre, Sudek manifeste une conscience particulièrement aiguë des aspects sombres et tourmentés de l’existence humaine – sentiments qui lui inspirèrent certaines de ses images les plus mélancoliques et les plus émouvantes. Une photographie réalisée la nuit à travers la vitre de sa fenêtre, montrant une ville plongée dans l’obscurité sous l’Occupation durant la Seconde Guerre mondiale, communique un sentiment de désespoir indicible tout en attestant de manière radicale de l’aptitude de cette technique, telle que pratiquée par un maître, à transcender le littéral.
© Josef Sudek
La première partie de l’exposition plante le décor du grand récit de l’œuvre future de Sudek, montrant ses premiers paysages, les portraits de ses camarades pensionnaires de l’Invalidovna, l’hospice praguois accueillant les invalides de guerre comme lui, ses explorations hésitantes du modernisme et ses vues de l’intérieur de la cathédrale Saint-Guy.
Façonnant ainsi par des images le récit de sa vie, nous pénétrons ensuite dans son monde intérieur, section retraçant l’environnement immédiat de Sudek ainsi que les vues et objets qu’il affectionnait, son atelier et son jardin. Ses interminables promenades dans Prague trouvent une expression dans les panoramas de la ville et de ses environs, ainsi que dans la photographie de ses « quartiers périphériques » plus sordides, sujet également traité par d’autres artistes praguois. L’est et le nord de la Bohême, les monts Beskides et la forêt de Mionší sont également des destinations que le photographe affectionnait. L’exposition « Josef Sudek. Le monde à ma fenêtre » trace ainsi un fascinant panorama de la création de cet artiste à l’identité si singulière.