© Anne-Lise Broyer
Expositions du 12/5/2016 au 2/7/2016 Terminé
La Galerie Particulière 16 rue du Perche 75003 Paris France
Vous êtes le long de la mer, vous êtes le long de ces choses scellées entre elles par votre regard.La Galerie Particulière 16 rue du Perche 75003 Paris France
Marguerite Duras, L’Homme atlantique, 1982
En 1981, Marguerite Duras se rend au Canada pour une série de conférences de presse à Montréal. Elle filme L’Homme atlantique en prenant son compagnon Yann Malais (Yann Andréa) comme acteur. À son retour, en 1982, elle publie la retranscription de la bande sonore de L’Homme atlantique, le film devient un texte bref, un film à lire. Un an plus tard, parce que sa main tremble, Yann Andrea écrit sous sa dictée La Maladie de la mort. Ces deux récits procèdent d’un même schéma et nous amènent à faire ce constat : chez Marguerite Duras la poétique de l’espace oscille entre «L’inside» et «L’outside», le dedans et le dehors, l’intérieur et l’extérieur. Dans La Maladie de la mort, la chambre déborde, elle est comme poreuse, la mer entre dans cette chambre d’amour. Elle écrit en exergue: «Si je devais filmer le texte, je voudrais (...) qu’il y ait une relation entre la blancheur des draps et celle de la mer». Elle précise ailleurs dans L’Éden Cinéma, «Je sais que quand j’écris, il y a quelque chose qui se fait. Je laisse agir en moi quelque chose qui, sans doute procède de la féminité... c’est comme si je retournais dans un terrain sauvage». Inspirée par le Domaine d’Abbadia et la côte basque française et espagnole où j’ai séjourné le temps d’une résidence, cette série, Regards de l’égaré (Fragments d’une saison pluvieuse), inaugure un nouveau cycle où deux médiums se confondent, deux temporalités se frottent, un va et vient entre «L’inside» (l’intime) et «L’outside».
Le dessin se mêle à la photographie, l’instantané à l’interminable. Deux histoires se superposent, l’une errante, sinueuse, intuitive et sensible, l’autre, méthodique, objective, géologique, minérale.
© Anne-Lise Broyer
Des cailloux dessinés ponctuent une suite de photographies n&b — des paysages, des détails, des «clichés» sombres, sourds — mêlées à quelques dessins tout aussi denses — des paysages frôlant le cliché, des «paysages négatifs» — tous captés, dans l’humidité du lieu et retranscrit sur un même support mat*. C’est qu’il y a dans le MAT le charme, l’absolu d’une neutralité : quelque chose comme un degré zéro de la présence. Dans son tissu absolument égal, sa platitude provocante, la matité est une qualité d‘abord polémique. Elle empêche toute bavure d’expressivité.
L’ensemble crée une portée où se jouent les enjeux et la force du rivage, une ligne se dessine, la ligne d’horizon, comme un fil, un liant, un air. Les galets comme des « pierres de rêve » sont là comme une réduction des paysages qu’ils côtoient. C’est la première fois que je questionne véritablement l’Horizon, sans doute que sur cette côte d’argent, je voulais voir au-delà, l’autre rivage, plus loin, en face, outre-atlantique, cette découverte d’une frange de terre sur l’océan qui pose le regard vers un horizon à franchir, une distance qui relie deux livres, deux faces d’un même projet. Carnet d’«observation(s)», Regards de l’égaré (Fragments d’une saison pluvieuse) estpeut-être une suite de «notes» dont la musique, le récit ne tente pas d’unifier rêve et réalité mais cherche à reconstituer une unité à partir de la multiplicité initiale. Mélange de photographie et de dessins, cette série cherche aussi à rendre hommage à la Photographie et son histoire, les dessins négatifs pouvant s’apparenter au surface sensible et brillante des plaques Daguerréotype, qu’un simple déplacement de l’angle du regard modifie la perception**. Le graphite déposé sur le papier photographique, à la manière du sel d’argent, continue à se révéler dans l’espace du regard de spectateur.
Anne-Lise Broyer