Portrait of Nicolas TIKHOMIROFF © Nicolas Tikhomiroff/Magnum Photos
Le photographe Nicolas Tikhomiroff, né à Paris en 1927 de parents immigrés russes, vient de nous quitter ce dimanche 17 avril 2016.
A tout juste dix sept ans, après la Libération de Paris, il rejoint l'armée française et passe trois mois en Allemagne avant de partir pour l'Indochine. Après avoir fini son service militaire, Tikhomiroff travaille dans la chambre noire d'un photographe de mode puis, en 1956, il devient photographe indépendant sous l'influence du journaliste français Michel Chevalier.
Nicolas Tikhomiroffl a photographié, en l'espace de 90 ans, tout ce que la vie peut offrir de beau, de drôle et de tragique à l'Homme. Il a réalisé des photographies de la guerre du Vietnam, du Cambodge, du Laos, et de celle d'Algérie pour le compte de l'agence Magnum - qu'il avait rejoint en 1959 - mais aussi des photos d'acteurs de cinéma, de chanteurs, et de réalisateurs prestigieux.
Brigitte Bardot, Jeanne Moreau, Romy Schneider, Serge Gainsbourg et Jane Birkin, James Dean, Orson Welles et bien d'autres ont été immortalisés par l'objectif de Nicolas Tikhomiroff et chaque cliché a une âme toute particulière : celle de la personne qui continue à vivre dans le cadre avec autant de naturel et de présence que si elle évoluait sous nos yeux.
L'actrice française Brigitte Bardot, Paris, France, 1958 © Nicolas Tikhimiroff/Magnum Photos
Brigitte Bardot, à laquelle Nicolas Tikhomiroff a accordé plusieurs séances photographiques en 1958, est sur ses photos plus belle et plus libre que jamais. Elle est cheveux au vent ou coiffée d'un chignon, souriante ou pensive, photographiée en studio ou dans la nature, debout sur un ponton de bois près de la mer ou à demi-dissimulée sous un arbre dont elle effleure délicatement le feuillage de ses deux mains. Brigitte Bardot a cette élégance, ce petit air mutin, et cette spontanéité qui la caractérisent depuis toujours au cinéma. On se souvient de la sensuelle Juliette de Et Dieu créa la femme (1956), film réalisé par Roger Vadim et de Louise, la Frenchie King hors-la-loi qu'elle incarne dans Les Pétroleuses (1971) de Christian-Jaque.
Nicolas Tikhomiroff a aussi photographié Romy Schneider lorsqu'elle était jeune, lors du tournage d'un film d'Orson Welles : Le Procès (1962). Douceur et légèreté se dégagent de cette photo où l'actrice tient entre ses doigts une petite plume blanche qu'elle regarde avec attention, comme si elle lui trouvait un charme particulier. Deux hommes - Orson Welles et Anthony Perkins - discutent en arrière-plan mais Tikhomiroff a fait la mise au point sur Romy. A cette époque, ses joues ont toujours la rondeur qu'elles avaient dans les films d'Ernst Mariska, et elle n'a pas encore, sur cette photo, le regard lointain, et cette lueur tragique qu'elle aura parfois sur les photographies d'F.C Gundlach.
Tikhomiroff prendra, en 1965, une photographie d'Orson Welles, ce réalisateur à la carrure hors du commun. Le cigare au bec, Welles y est simplement éclairé par la lumière d'une petite fenêtre qui arrive juste au dessus de sa tête. Lumière divine ? Mystique ? Orson Welles ne semble pas prendre la pose et la prise de vue est parfaite, équilibrée. L'aura du réalisateur est là, et la photo la sublime.
Tel était le génie de Nicolas Tikhomiroff : capter l'âme de ses modèles, qu'ils soient artistes ou simples soldats - le militaire d'Alger photographié en 1954 par Tikhomiroff mérite lui aussi d'être cité. Il y a, dans ses photographies, comme une mise en abyme des multiples nuances qui composent la personnalité de ses modèles, et ce, malgré une mise en scène toujours sobre et très simple. La mise en abyme ne s'opèrerait-elle pas lorsque le regard du sujet photographié et de la personne qui regarde la photo se croisent ?