©Jean-Franccois Spricigo
Intitulée Impatience, l’exposition de photographies de Jean-François Spricigo présentée par FLAIR Galerie du 25 mars au 7 mai 2016, révèle de manière envoûtante une proximité avec le monde animal transfigurée par l’étrangeté. D’un noir et blanc intenses, souvent dénuées de profondeurde champ, surgissant au confluent de la poésie et de la rêverie,chacune des vibrantes images de ce bestiaire témoigne d’une souveraineté singulière qui s’offre aussi comme une épiphanie.
... Cette fragilité très maîtrisée caractérise tout l’art photographique de Jean-François Spricigo qui ne montre, ni ne capture ses objets, mais les fait surgir dans une durée précaire. Au prix d’un accueil humble et endurant. Dans l’écrin de silence luxueux que réclame la dignité de chaque existence érigée au rang d’événement de la nature, de petit miracle de l’Être.
Qu’il s’agisse d’une chouette immobile, d’un écureuil bondissant, d’une ronde de canards – a fortiori de chats ou de chiens saisis dans leur solitude – jamais nous n’avons davantage ressenti, pour familiers qu’ils soient, à quel point ces créatures sont autres, appartiennent à un monde séparé, un monde étranger dont nous ne pouvons qu’envier la beauté farouche, la noblesse, et plus encore l’innocence.
Car sur la ligne de crête d’une apparition que semble aussitôt menacer sa propre disparition, l’oeil qui opère ici ne se projette pas au dehors mais s’introjecte l’altérité radicale de chaque animal pour la recueillir dans un vacillement quasi fantomatique, à ce point diamanté où le plus ordinaire devient inquiétant, le plus banal étranger, le plus intime
inconnu.
On y aura reconnu une déclinaison très sensible de cette « inquiétante étrangeté » chère à Freud, soit un refoulement de la repré-
sentation laissant libre cours à une affectivité transformée en angoisse. A cette différence près que l’impressionnisme intemporel de Jean-François Spricigo la désamorce par une douceur, une délicatesse qui s’appelle aussi la grâce.
Cécile Guilbert, 2015
©Jean-François Spricigo
©Jean-Franccois Spricigo