Numéro 8 © Francesca Piqueras
« Je photographie des luttes, des batailles », explique Francesca Piqueras, qui poursuit en Normandie son projet sur les architectures marines en déshérence, avec cette série sur les ruines des caissons Phœnix.
Numéro 23 © Francesca Piqueras
Remorquées depuis l’Angleterre et coulées à Arromanches lors du Débarquement, ces structures colossales en béton armé ont permis aux Alliés de construire en trois jours un port artificiel, par où transitèrent 2,5 millions d’hommes, 500 000 véhicules et 4 millions de tonnes de matériel.
Francesca Piqueras nous avait déjà révélé la force architecturale et la puissance allégorique des plateformes pétrolières, des cargos démantelés au Bengladesh ou échoués en Mauritanie et des forts militaires abandonnés en Mer du Nord. La photographe métamorphose ici ces vestiges de la dernière Guerre Mondiale en monolithes de mémoire brute, inexorablement rongés par les vagues. En naufragés de toutes nos batailles : celles que les hommes se livrent entre eux, celles qu’ils livrent à la nature, mais aussi au temps et à l’oubli.
Numéro 6 © Francesca Piqueras
Son esthétique lucide et implacable, la synthèsevisuelle qu'elle opère en confrontant sa vision à la réalité, préfigurent ce qu'il peut advenir de nos sociétés. Une démarche structurée à l'extrême qui la mène en permanence à la recherche des artefacts délaissés de l'ère post-industrielle, le constat fulgurant d'un monde à la dérive, semé de structures titanesques et déchues.
Si ses photographies reflètent notre incapacité d'humains à appréhender notre condition terrestre, elles nous immergent néanmoins dans la grandeur et la beauté dont nous sommes capables, et laissent un vaste espace de liberté où s 'inscrivent la possibilité du doute constructif et d'un espoir en gestation. Les cendres d'où renaît - peut-être - le Phœnix...
Numéro 7 © Francesca Piqueras