© Stephan Crasneanscki
Expositions du 9/01/2016 au 27/2/2016 Terminé
Galerie Odile Ouizeman 10/12 rue des Coutures Saint-Gervais 75003 Paris France
Un plateau de cinéma. Des sons qui n’ont jamais vu le jour et ne sont jamais sortis de ces moments, derrière la caméra, devant des acteurs dans l’invention d’un plan, d’une image. Stephan Crasneanscki a eu accès à des fragments de sons issus des tournages des films de Jean-Luc Godard, mais également à toute une documentation, un témoignage de ce qui a nourri le cinéaste.Galerie Odile Ouizeman 10/12 rue des Coutures Saint-Gervais 75003 Paris France
© Stephan Crasneanscki
Ce qu’on laisse derrière soi, ce qu’il a redécouvert, presque par accident, révèle une partie des archives du cinéaste, celles qui ont été oubliées, voire délaissées...
C’est aussi un portrait du cinéma contemporain une réflexion sur l’archive, une libre réinvention par le montage, le collage, de moments de cinéma nés d’une collision entre littérature, arts visuels et musique que Godard fut le premier à rassembler. Oeuvre composite, What we leave behind conduit Stephan Crasneanscki à poser son regard sur ces objets oubliés détenteurs d’une matière à penser en attente d’être dévoilée. L’artiste observe donc, recompose et invite à son tour à percevoir. Être, c’est être perçu nous dit Berkeley et l’être des objets est d’être perçu, comme celui des sujets, de percevoir. Des bobines de films, des livres, des feuillets d’écriture, des cassettes vidéos, un amoncellement d’informations, des indices qui s’offrent à son regard et évoquent aussi une mémoire du cinéma au regard de ses différents supports. Par le film, le son et la photographie Stephan Crasneanski convoque un imaginaire lié à la pensée de Godard et restitue une expérience. Il livre des indices et questionne : un arbre qui tombe dans la forêt, fait-il du bruit s’il n’y a personne pour l’entendre? Est-ce l’esprit qui crée ce qu’il observe, alors privé de l’observation, que se passe-t-il ? Des archives plongées dans un interminable silence ? Que laisse entrevoir une bobine laissant apparaître l’inscription « Nouvelle vague » ? Un nouveau cinéma, une révolution ? un livre ouvert sur une époque, un témoignage à la fois poétique et sociologique ?
© Stephan Crasneanscki
Il y a bien évidemment les initiés, ceux qui ont vu. Ceux qui sont capable de décryptés et d’appeler au surgissement les images de ces films. Il y a l’œil photographique de Crasneanscki qui réactualise alors une mémoire. Mais il y a aussi une force imaginante, une création comme une re-(é)-création d’œuvres- mosaïques qui forment des brèches et ouvrent un monde à découvrir. Citations, paraphrases, copies ne sont-elles pas souvent les clés dont usent d’illustres créateurs ? Julien D’Abrigeon établit que l’« On retrouve des similitudes esthétiques entre (Picasso et Godard) ces deux «colleurs», une même perception fragmentée du corps, du monde retranscrite dans leurs représentations, un même désir de description totale, englobante, une même utilisation des aplats, de la trichromie (Le mépris...), et du noir et blanc (Guernica, bien sûr) mais aussi, une utilisation récurrente des rayures : Jacqueline aux mains croisées (1954), et les rayures de Michel et Patricia dans A bout de souffle, le peignoir d’Angela dans Une femme est une femme, le chandail de B.B. dans Le mépris, etc. (Godard serait-il un précurseur de Daniel Buren ?). » Le cinéma de Godard se conçoit dans un ensemble et il n’exclut aucun art de ses projets.
«Godard, c’est Delacroix.», s’émerveillait Aragon qui avait compris que le cinéma est aussi un art plastique, relève encore Julien D’Abrigeon. Les compositions minimalistes de What we leave behind viennent aussi évoquer une histoire de l’art abstrait ; Donald Judd, Malevitch ou même Sol Lewitt avec une Progressive Structure. C’est encore cette matière à penser, ces archives oubliées qui se réarticulent dans une mise en abime du collage et de la citation. C’est une œuvre complexe, celle de Godard, mais aussi les œuvres de nombreux artistes, qui se téléscopent et que Crasneanscki nous invite à explorer. Les empilements de cassettes vidéos « Soigne ta droite » marqués au feutre noir sont-ils le clavier d’un piano, l’évocation d’un univers lié à la musique ou le rappel d’un engagement politique qui a peut-être fait écran à celui de l’artiste ? Et se souvenir de Lotta continua, une formation politique maoïste, communiste et révolutionnaire avec l’image d’un homme, levant une arme, entouré de compagnons dont l’inscription Lotta continua surgit d’une composition de boites sombres pourtant rompu par un éclat de rouge. Godard est le point de départ, celui qui a lu, écouté, regardé, créé et qui conduit ainsi Stephan Crasneanscki à poursuivre un cheminement afin de révéler et de construire un jeu avec cette matière vivante qu’est la mémoire...