Vendredi 03 Août 2012 15:13:22 par actuphoto dans Actualités
Le photographe américain Arnold Newman, un des grands spécialistes du portrait de célébrités, est mort mardi 6 juin à New York à l'âge de 88 ans. Les magazines comme Life, Harper's Bazaar ou Esquire raffolaient de ses images. On les comprend. Ses portraits en noir et blanc ou en couleur, pour les meilleurs des personnalités de la culture, étaient efficaces, attractifs, composés avec élégance. Le modèle fixait quasiment toujours l'objectif, et donc le lecteur, qui avait l'impression d'entrer en dialogue direct avec le créateur imprimé sur papier glacé.
Ce photographe qui tenait studio à New York a inventé un genre, au début des années 1940 : montrer la personnalité non pas dans son salon, encore moins sur un fond neutre, mais posant dans son environnement créatif. Ce qui donnait au lecteur l'impression d'entrer parfois dans l'intimité de l'oeuvre. Cette approche a remporté un vif succès dès 1941, quand Newman fait poser Fernand Léger et Marc Chagall au milieu de leurs toiles - ses tout premiers portraits sont achetés par le Musée d'art moderne de New York.
Ses portraits d'artistes dans l'atelier sont les plus mémorables - parfois les meilleurs du modèle. Ils ont été rassemblés dans un livre, Artists, Portraits from Four Decades (éd. Weidenfeld et Nicolson, 1980). Que du beau monde : Piet Mondrian, Max Ernst, Marcel Duchamp, Georges Braque, Alberto Giacometti, César, Jean Dubuffet, Pierre Soulages, David Hockney, Francis Bacon, Alexander Calder, Salvador Dali, Man Ray, Jean Arp, Pablo Picasso. Avec ce dernier, la séance a duré des heures, "jusqu'à ce que (ses) films s'épuisent, littéralement".
UN COMPOSITEUR ET SON PIANO
Tous les grands Américains de l'après-guerre sont là aussi : Jasper Johns, Sam Francis, Jackson Pollock, Edward Hopper, Lyonel Feininger, Roy Lichtenstein, Robert Rauschenberg, Andy Warhol, Barnett Newman, Ellsworth Kelly, James Rosenquist...
Mais c'est sans doute le portrait d'Igor Stravinsky, en 1946, qui reste le chef-d'oeuvre d'Arnold Newman - "peut-être ma meilleure photographie", disait-il. Celui qui définit au mieux son style. Un compositeur et son piano. Mais le visage de Stravinsky est tout petit, dans le coin en bas à gauche de l'image alors que le piano est défini par une ligne noire horizontale et par la masse sombre et imposante du couvercle ouvert de l'instrument. Un portrait constitué de blocs géométriques - rectangle, triangle, rond - et d'un jeu entre le noir, le blanc et le gris. Un portrait parfait comme le nombre d'or qui traduit la modernité du compositeur russe.
Michel Guerrin
Article paru dans l'édition du 11.06.06
Le Monde