Uriel Orlow, Etats des lieux-6
Expositions du 7/11/2015 au 23/12/2015 Terminé
Galerie mor charpentier 8, rue Saint-Claude 75003 Paris France
« Maps & Territories » présente le travail de huit artistes : Lara Almarcegui, Eduardo Aragon, Milena Bonilla, Fredi Casco, Maria Elvira Escallon, Uriel Orlow, Liliana Porter et Charwei Tsai. Chacun questionne la notion de territoire dans ses dimensions conflictuelles, symboliques et sacrées.Galerie mor charpentier 8, rue Saint-Claude 75003 Paris France
Eduardo Aragon, Union y Progreso
Pour rendre compte de la réalité d’un territoire, l’outil le plus communément utilisé est le plan, élément clé en période d’affrontement et guide essentiel de notre vie quotidienne. Dans Variations on a Homogeneous Landscape, Milena Bonilla reprend la forme des frontières extérieures des principaux pays des Amériques et les déforme afin de créer une ligne d’horizon continue. Cette œuvre déconstruit la hiérarchie entre les pays, créant une impression d’unité malgré les antagonismes à l’oeuvre. Milena Bonilla invente de nouveaux territoires fantasmés, affranchis de leurs frontières avérées.
Les concepts de territoire et de frontières sont explicitement liés à celui de possession de la terre. Le droit à la propriété terrienne a largement façonné les revendications sociales & post-coloniales. Il a pris une dimension singulière en Amérique Latine. Fredi Casco révèle cet état de fait dans sa série de dessins Arete Gua’u, L’artiste recouvre des titres de propriété datant du XIXe siècle de silhouettes tantôt colorées, tantôt noires. Ces formes spectrales rendent ces documents manuscrits illisibles et incarnent de manière symbolique les fantômes de l’histoire mouvementée de son pays.
Le territoire se définit par son rapport à son passé. Scruter les traces de celui-ci en Turquie donne l’occasion à Uriel Orlow de revenir sur le génocide arménien. Cette extermination humaine massive a été accompagnée d’un nettoyage culturel : dès le début du génocide en 1915, la Turquie a mené une campagne de destruction systématique du patrimoine culturel arménien. Dans sa série État des Lieux, Uriel Orlow a capturé les derniers vestiges du patrimoine architectural arménien, cachés dans les paysages anatoliens ou dissimulés par des ajouts architecturaux récents. Par ce geste, l’artiste met en lumière la présence passée d’un peuple qui a vécu sur l’actuel territoire turc durant plus de 2 500 ans jusqu’au génocide.
Uriel Orlow, Etat des lieux 2
Forcés ou délibérés, les migrations, mouvements et flux jouent un rôle déterminant dans l’évolution des territoires. Pour Relocated Houses, Brittons Yard, Wellington, Lara Almarcegui a mené une enquête sur les origines de 19 maisons à vendre à Wellington, en Nouvelle –Zélande, présentées côte-à-côté dans un simulacre de rue dans la cour de l’entreprise de construction Brittons. Historiquement, la première maison a avoir été entièrement déplacée le fut pour permettre l’appropriation d’une terre : la maison devait être transplantée afin que le territoire sur laquelle elle était installée puisse être occupé. Fonctionnant aussi en tant qu’objets sculpturaux, chacune des maisons capturées par l’artiste porte en elle une histoire en cours d’écriture – de leur ancien propriétaire oublié à leur futur emplacement sur un nouveau site – reflétant ainsi les mutations dans le paysage de la région.
La vidéo Chaco Fantasma a été tournée au Paraguay par Fredi Casco durant les deux premiers jours de la célébration Arete Guasu au sein de la communauté Chiriguano de Santa Teresita. Cette région a été le théâtre du plus long conflit territorial armé d’Amérique du Sud, opposant le Paraguay et la Bolivie de 1932 à 1935, et souffre désormais d’une déforestation massive à cause d’entreprises agro-alimentaires américaines. L’image brumeuse de la vidéo renforce l’aspect mystique de la célébration et du territoire dans lequel elle a lieu.
La série Nuevas Floras do Sul de Maria Elvira Escallon a été photographiée à San Miguel das Missoes, sur les territoires brésiliens des Guarani. Cette ville est particulièrement connue pour les ruines des édifices religieux érigés par les Jésuites que l’on trouve dans son Parc National, aux côtés de statues baroques. La série montre des tailles baroques réalisées par l’artiste sur certains des arbres du parc, remettant en question les limites entre nature et culture par une intervention sur le territoire, engageant un dialogue sensible entre ces deux états et traçant de nouvelles perspectives sur le paysage.
L’empreinte laissée par l’Homme sur le territoire passe aussi bien par la destruction que par la construction. Lara Almarcegui a documenté les changements intervenus dans le paysage aux alentours de l’Èbre, à Saragosse, en Espagne, un lieu profondément marqué par l’activité humaine, de la décharge sauvage aux infrastructures nouvellement construites pour l’Exposition Internationale de Saragosse en 2008. Mais la nature reprend régulièrement ses droits dans ces terres soumises à des crues saisonnières.
Sur un autre plan, l’œuvre Labyrinth de Liliana Porter confronte une figurine miniature à un labyrinthe abstrait tracé à main levée, offrant une métaphore de la condition humaine ; tandis que les Earth Mantra de Charwei Tsai montrent l’artiste écrivant le Sutra du Cœur – un pilier de la sagesse bouddhiste qui évoque la dimension des choses et des êtres – sur un miroir reflétant un paysage vallonnée vierge de toute présence humaine. Dans ces œuvres, la vision paisible de Charwei Tsai s’oppose la gravité humoristique de Liliana Porter, toutes deux décrivant une vision poétique du territoire.