©Stéphane Couturier
Expositions du 12/11/15 au 17/01/16 Terminé
Maison Européenne de la Photographie 5, 7 Rue de Fourcy 75004 Paris France
L’exposition consacrée à Stéphane Couturier à la MEP s’articule en trois chapitres, présentant son travail depuis la fin des années 1990 jusqu’à ses développements les plus récents.Maison Européenne de la Photographie 5, 7 Rue de Fourcy 75004 Paris France
Privilégiant un parcours chronologique, cette rétrospective s’attache à préciser les grandes étapes de la réflexion, autant technique que conceptuelle, de Stéphane Couturier autour du medium photographique.
Depuis ses débuts en argentique il s’est intéressé à la notion d’archéologie urbaine, fil conducteur de sa pratique qui interroge sous diverses formes les mutations des paysages qui nous environnent. Illustrant cette quête perpétuelle, une installation monumentale, mêlant photographie et vidéo, met notamment en scène son tout dernier travail sur les cités logements d’Alger.
« L’architecture et la ville, leurs apparitions et leurs mutations à travers le monde, sont au cœur des recherches de Stéphane Couturier. Si ses premières séries, Archéologies urbaines (1995-1998) et Monument(s) (1999-2002), privilégiaient une architecture et un urbanisme anonymes et révélaient leurs strates temporelles, les séries suivantes ont davantage mis l’accent sur des ensembles construits ex nihilo. D’abord des lotissements résidentiels au Mexique et aux États-Unis (Landscaping, 2001-2004), puis des villes réalisées par des architectes majeurs du 20e siècle : Chandigarh, dessinée par Le Corbusier (Melting Point – Chandigarh, 2006-2007), Brasilia, conçue par Lucio Costa et Oscar Niemeyer (Melting Point – Brasilia, 2007-2010). Le travail en cours sur la cité Climat de France d’Alger marque à la fois une continuité et une rupture avec ces deux dernières séries. Une continuité, car il porte sur un ensemble architectural et urbain, une véritable ville construite dans les années 1950, comme Chandigarh et Brasilia, par l’architecte Fernand Pouillon. Une rupture, car Stéphane Couturier renouvelle ici profondément son approche et ses méthodes, mêlant notamment photographie et vidéo.
©Stéphane Couturier
Le soin que Stéphane Couturier accorde à l’environnement de la cité explique cette longue vidéo qui, réalisée dans une voiture entre Diar el-Mahçoul et Climat de France, deux des trois cités construites par Pouillon à Alger dans les années 1950, montre la ville actuelle et souligne la proximité de Climat de France avec son centre. Ce soin justifie aussi ces vidéos (la mer, un cimetière, une autre cité) qui, prises depuis Climat de France, indiquent le hors-champ de l’objet d’étude de Couturier, ou, plutôt, son contrechamp. Car, étant donné sa position surplombante et les perspectives ménagées par Pouillon, Climat de France, cet outil défectueux de pacification sociale, est en revanche un excellent outil de vision. Quand il dessine, Pouillon « pense à celui qui regarde par la baie de sa chambre et de son salon ». Ici, les portiques de la cour des Deux Cent Colonnes, la grande cour du bâtiment principal, découpent l’environnement et cadrent comme le font un appareil de photographie ou une caméra.
Si Climat de France regarde au loin, la cité est elle-même paradoxalement peu visible. Les vues larges présentées dans l’exposition ne doivent pas induire en erreur : elles sont prises de l’extérieur de la cité et font penser à ses vues d’avion dont Pouillon disait qu’elles détournaient les architectes du seul point de vue valable qui est celui du piéton : « Je travaille pour le piéton et non pour l’aviateur ». Or, à l’exception des contrechamps dégagés, le regard du piéton qu’est Stéphane Couturier se heurte à une architecture qui ne s’offre à lui, faute de recul, que sous la forme de fragments. Les photographies de façades qu’il a réalisées sont ainsi trompeuses : elles sont composées numériquement à partir de multiples prises de vue. Elles contrastent avec les fragments incrustés dans les moulures de l’Hôtel des Arts de Toulon qui prolongent à l’intérieur l’effet de collage obtenu à l’extérieur du centre d’art.
Cette perception fragmentaire est aussi due à la richesse et à la variété des détails qui parsèment les façades, apparemment uniformes, de Climat de France : les altérations de l’architecture, le linge qui pend aux fenêtres, les paraboles… À cet égard, les masquages opérés sur une des photographies jouent un rôle de révélateur : il s’agit bien d’une seule et même façade et non de détails épars réunis artificiellement. Si Climat de France ne peut être saisie que de manière fragmentaire, les fragments qui en sont livrés dans l’exposition invitent à une reconstitution mentale, la seule possible, de sa
totalité. »
Étienne Hatt