© Robert Doisneau
Muséum national d'histoire naturelle Jardin des plantes - 57, rue Cuvier 75005 Paris France
Robert Doisneau souhaitait réaliser des portraits de scientifiques en plein travail, mettre en lumière la recherche en train de se faire. Et c’est une douceur intemporelle qui se dégage de ses clichés. Du visage concentré du paléontologue sur une mâchoire géante au jardinier époussetant avec application son orchidée en passant par cette femme au regard lointain portant une « momie ». Que de scènes incroyables captées avec justesse ! S’il n’y avait quelques indices vestimentaires, il serait difficile de dater les clichés, pourtant séparés par 48 années, tant l’œil du photographe s’est posé avec la même tendresse et la même intensité sur les membres, lieux et collections d’une institution qui lui sembla infinie.
© Robert Doisneau
LA COMMANDE DES ANNÉES
1940 Robert Doisneau entre pour la première fois au sein du Muséum en 1942 dans le cadre d’une commande de l’éditeur et typographe Maximilien Vox (frère de Théodore Monod, explorateur et professeur au Muséum). En charge de la préparation de l’ouvrage « Nouveaux destins de l’intelligence française » consacré aux personnalités françaises influentes dans le monde de la science et de l’art, M. Vox a besoin d’illustrations fortes. C’est ici que plusieurs photographes sont sollicités dont R. Doisneau qui fournit à l’éditeur 22 portraits d’écrivains, d’artisans et de scientifiques. Du Muséum, il n’y aura « que » le portrait d’une dessinatrice scientifique en entomologie. Bien que le livre fût finalement édité grâce au soutien du gouvernement de Vichy, il ne fait plus de doute aujourd’hui que Robert Doisneau se positionna comme « simple » reporter. Avec sa formation de graveur et lithographe, il fabriquera d’ailleurs en parallèle des faux papiers pour les réseaux de résistants. Mais ce n’est pas pour ce livre que Robert Doisneau arpenta avec tant de liesse les allées des jardins, des parcs animaliers et des laboratoires cachés du Muséum. Un autre projet de M. Vox sur la science et les scientifiques en France était en cours : l’ouvrage « Visages de la science ». Celui-ci ne verra jamais le jour et la majorité des tirages rejoignent mystérieusement le fonds documentaire du Muséum alors que les négatifs sont soigneusement classés dans l’atelier du photographe. C’est, en partie, la redécouverte inattendue à l’Atelier Robert Doisneau, lors de l’élaboration de l’exposition en 2015, d’une boîte de négatifs contretypés portant la mention « Visages de la Science » qui confirmera l’objet réel de la commande pour ce projet qui ne fut jamais réalisé.
© Robert Doisneau
LA COMMANDE DES ANNÉES 1990
En 1990, Alain Foucault, sous-directeur du Muséum et aussi neveu de Robert Doisneau fut à l’origine d’un second reportage. Une commande d’une quinzaine d’images (beaucoup moins que dans les années 40) principalement centrée sur les laboratoires forme alors le terreau initial de l’exposition « La science de Doisneau » qui se tient en 1990 à la Bibliothèque du Muséum. Une quarantaine de clichés dont les tirages sont réalisés par Georges Fèvre de l’Atelier-Pictorial sous le contrôle de Robert Doisneau sont exposés : des images du Muséum datant de 1942-1943 et de 1990 mais aussi des images consacrées à d’autres chercheurs et d’autres institutions. Ces nouveaux tirages rejoignent ensuite la collection du Muséum et complèteront le premier ensemble des années 40.
© Robert Doisneau
UNE SCÉNOGRAPHIE INSPIRÉE
Pour cette exposition, la scénographie, d’une grande sobriété, est constituée de larges parois sombres, éclairées de l’intérieur. Les photographies sont installées au cœur de ces parois, formant de petits ensembles intimes que le public découvre à travers des fenêtres. Illustrant chaque thématique, les tranches de ces « boîtes lumineuses » sont recouvertes d’images, créant un rythme et accompagnant le visiteur dans sa déambulation. Toutefois, comme une réponse à la hauteur de la Grande Galerie de l’Évolution, une immense image verticale, semblant traverser le plancher, se prolonge sur les deux mezzanines où se trouvent les photographies, reliant ainsi les deux espaces, et signalant l’exposition de tout point de la galerie. Enfin, selon les sujets exposés, des pupitres inclinés et des vitrines tables créent des variations entre l’exposition verticale, oblique ou horizontale des œuvres. Privilégiant ainsi la présentation de certaines photographies à l’horizontal, la scénographie place le visiteur dans la posture du chercheur, courbé sur ses planches d’insectes ou observant un détail au microscope