Une jeune femme, née en 1910 à Stuttgart, fait ses premières armes de reporter-photographe aux côtés des républicains espagnols en lutte contre l'obscurantisme. Elle voulait témoigner. En juillet 1937, Gerda Taro est morte lors d'une opération militaire menée pour desserrer l'étau franquiste autour de Madrid. Compagne du photographe Robert Capa, cette femme «si belle qui se croyait invulnérable» a été oubliée. François Maspero lui redonne vie dans deux ouvrages. « Le Vol de la mésange » est un recueil de nouvelles marquées par les images de la guerre, depuis les années 1940 jusqu'à celles du conflit israélo-palestinien. Dans ces récits où la nostalgie, parfois, la violence et la mort, souvent, se croisent, il y a celui consacré, sous la forme d'un dialogue entre un photographe et une journaliste, à celle qui fut «la première femme reporter tuée à la guerre», comme le titra « Life ». Le dialogue mené par ces deux personnages sert de prologue à « l'Ombre d'une photographe ». Ici, c'est l'existence météoritique de Gerda Taro qui est retracée, depuis son enfance en Allemagne, son arrivée à Paris à la fin de l'été 1933, jusqu'à sa rencontre avec Andrei Friedmann, un exilé hongrois qui se fera appeler bientôt Robert Capa.
Ces deux-là sont faits pour se séduire, même si Capa se méfie de l'engagement politique alors que Gerda a la fibre plus militante. Pour autant, le livre de François Maspero n'est pas une stèle larmoyante. L'auteur s'interroge sur la récupération de la mort de la photographe par les staliniens. De même, il rappelle pourquoi ses photos - souvent mêlées à celles de Capa - ont été «oubliées». Enfin, il resitue cette aventure dans le contexte politique et journalistique de l'époque. Le salut que Maspero adresse à Gerda Taro est fraternel. Il brille de cette générosité rare qui chasse l'ombre.
«L'Ombre d'une photographe, Gerda Taro», Seuil, 144 p., 14 euros, et «le Vol de la mésange», Seuil, 240 p., 18 euros, par François Maspero.