Légende : Jean-Michel Pancin, Cellule 139, série "Lumière", 2010-2012, photographie. Courtesy de l'artiste.
Le château est désormais un lieu d’exposition de créations contemporaines, et l’une des ambitions qui y est assidûment poursuivie est de lier son territoire et son histoire aux expositions qui y sont présentées.
Eu égard à l’ensemble de ces éléments historiques et géographiques, les questions de la mémoire et du corps, de l’enfermement et de la liberté se sont posées en tant que terrains d’exploration dans la programmation.
Dans ce lieu singulier, austère et puissant, dans cette architecture de type carcéral, moyenâgeuse et fermée, « La Belle Échappée » évoquera les notions de prison, d’aliénation et d’évasion, par la création, par le regard aussi. Ce regard qui, des fenêtres du château, s’échappe vers les beautés de la plaine. Par celui-ci et grâce aux fenêtres que cette « belle échappée » ouvre, nous sommes aussi hors de ce lieu; le génie du lieu prend le pas sur le génie des créateurs. Par ailleurs, nombre de ceux-ci s’intéressent aujourd’hui au binôme enfermement / évasion, que ce soit dans le cadre carcéral strict (Ali Kazma, Jean-Michel Pancin, Jhafis Quintero) ou dans un cadre plus vaste, qui peut être celui de l’enfermement dans notre corps (Nicolas Daubanes) ou dans notre condition humaine (Rachel Labastie, Joanna Malinowska), dans notre société aussi. Les notions de contrainte, de folie mentale, appellent en écho le creusement à l’intérieur de soi, un rapport kinesthésique à l’espace et au lieu, et l’échappée virtuelle (Thibault Brunet).
Ces artistes, d’origines et de générations différentes, apportent tous une vision, une approche particulière que ce soit dans le choix du médium (sculptures, installations, vidéos, dessins, etc.), dans le positionnement plus ou moins proche du sujet (l’enfermement prétexte à parler des limites de l’esprit, du pouvoir de sublimer symboliquement l’espace carcéral...) mais aussi dans la manière de le traiter en tant qu’objet : l’architecture, la pierre, les recoins sombres du château sont des axes à déblayer physiquement et dans un rapport d’échelle avec ce site chargé de mémoire.
L’enfermement y est traité dans son absence comme dans sa présence, avec ses travers possibles comme les ressentis qui ont pu s’y exprimer, dans sa matérialité comme dans la virtualité de l’espace investi.
« La Belle Échappée » ne propose pas la contemplation, mais l’évasion du regard ; elle revendique, sur le modèle législatif suisse, le droit à l’évasion, qui devient même une nécessité ; le Château requiert une activation du regard, de l’intérieur vers l’extérieur. De cette manière, l’exposition répond à un concept de processus haptique : le regard touche, il est touché, aussi.
Afin d’accompagner cette réflexion, l’exposition sera enrichie d’une rencontre autour des sujets précités le 4 décembre. Tout au long de cette journée, interviendront des personnalités qui ont traité, chacune à leur manière, ces sujets : que ce soit en intervenant dans un milieu pénitentiaire, en réfléchissant à la condition humaine et médicale des personnes qui sont incarcérées, ou encore en appréhendant philosophiquement ce rapport ambigu entre art et prison.