© Christian Lutz
En 2013, le photographe Christian Lutz a accepté, pour des raisons économiques, l’interdiction de son livre In Jesus’ Name prononcée suite à des plaintes invoquant le droit à l’image. Malgré cela, l’avocat des plaignants a déposé un nouveau dossier de plaintes : il estimait que, dans la conclusion de cette affaire, la situation juridique n’était pas claire. Il demande actuellement l’interdiction de toutes les photographies où les plaignants apparaissent. Christian Lutz a décidé de s’opposer à cette nouvelle atteinte à la liberté d’expression et d’information. Ce deuxième dossier conduit donc aujourd’hui à l’ouverture d’un procès. Les débats de première instance auront lieu le 23 septembre 2014 à Zurich. L’audience est ouverte au public et à la presse.
➵ Mardi 23 septembre à 8h30 Bezirkzgericht Zurich Badenerstrasse 90 – 8004 Zurich Salle 34
RAPPEL DES FAITS
La série In Jesus’ Name, parue en automne 2012 chez Lars Müller Publishers, s’inscrit à la suite de Protokoll (2007) et de Tropical Gift (2010), clôturant ainsi une trilogie sur le pouvoir que le photographe genevois Christian Lutz a entamée il y a plus de dix ans. C’était sans se douter alors où le mènerait cette thématique. Il apprendra à ses dépens —et à ceux de la liberté d’expression et de la liberté d’informer— qu’un pouvoir en cache souvent un autre.
Aujourd’hui, In Jesus’ Name n’existe plus sous sa forme initiale : 19 photographies —soit un tiers de l’ouvrage— ont été interdites par voie de justice. Le livre s’est vu retiré de la vente quelques jours après sa parution. Les photographies controversées ont toutefois fait l’objet d’expositions, mais barrées d’un bandeau noir sur lequel étaient retranscrites les plaintes telles que rédigées par l’avocat des plaignants et qui empêchait ceux-ci d’être reconnus.
Un quatrième pouvoir s’invite désormais dans l’œuvre : le pouvoir judiciaire, soulevant une longue liste de questions sur notre rapport à l’image et à nous- mêmes, et sur l’impact de l’art dans notre société.
Si cette histoire reste encore du domaine de l’extraordinaire en Suisse, un constat s’impose toutefois : la violence faite aux photographies est de plus en plus commune et le champ d’action des photographes toujours plus contraint.
CHRONOLOGIE D’UNE INTERDICTION
29 mai 2011
Christian Lutz rencontre Leo Bigger, le pasteur principal et l’un des cofondateurs de l’Église évangélique ICF (International Christian Fellowship). Leo Bigger recommande le photographe à l’un de ses collaborateurs. Christian Lutz reçoit alors l’autorisation d’ICF d’entreprendre une enquête visuelle au sein de la communauté.
10 juin 2011
Christian Lutz fait ses premières prises de vue d’ICF au Hallenstadion de Zurich, lors d’un jubilé de l’Église. Il poursuivra son travail photographique sur ICF jusqu’en juin 2012.
17 novembre 2012
Le livre In Jesus’ Name est verni dans le cadre de Paris Photo.
27 novembre 2012
Le tribunal civil de Zurich prononce l’interdiction immédiate de diffuser In Jesus’ Name par des mesures superprovisionnelles. 21 personnes figurant dans l’ouvrage portent plainte contre Christian Lutz et son éditeur pour atteinte à l’image.
27 janvier 2013
Christian Lutz comparaît devant le tribunal civil de Zurich.
12 février 2013
L’interdiction de In Jesus’ Name est confirmée par un jugement provisionnel.
28 mars 2013
Christian Lutz décide de ne pas entrer en procès pour des raisons économiques et accepte les mesures provisionnelles interdisant son ouvrage. L’avocat des plaignants se dit satisfait. Le livre In Jesus’ Name paru en automne 2012 chez Lars Müller Publishers est définitivement interdit.
4 avril 2013
L’avocat des plaignants informe l’avocate de Christian Lutz qu’il poursuivra la procédure judiciaire pour motif d’une « situation juridique peu claire ».
16 avril 2013
Le tribunal civil de Zurich valide le nouveau dossier déposé par l’avocat des plaignants. Cette fois, Christian Lutz décide d’entrer en procès.
5 juin 2013
Vernissage de l’exposition Trilogie, Musée de l’Elysée, Lausanne. In Jesus’ Name est présenté sous la forme qui sera désormais la sienne : les images interdites par des plaintes sont exposées, barrées d’un bandeau noir sur lequel figure la plainte telle que l’avocat des plaignants l’a rédigée. L’exposition se tient jusqu’au 1er septembre 2013.
19 août 2013
L’avocate de Christian Lutz dépose un dossier de réponse au second dossier de plaintes de l’avocat des plaignants d’ICF.
23 septembre 2014
Ouverture des débats de première instance au tribunal civil de Zurich.