© Elina BROTHERUS, Nu au bull pack, extrait de la série The New Painting, 2002
Espace Photographique Contretype Contretype - 4A, Cité Fontainas - B-1060 Bruxelles Belgique
L'exposition "Brussels Unlimited. Collection Contretype. Sept femmes en résidence", présentée dans le cadre du “Summer of Photography 2014” réunira des photographies d’Elina BROTHERUS, Isabelle ARTHUIS, Isabelle HAYEUR, Chantal MAES, Sari EMBER, Marie-Noëlle BOUTIN et Erika VANCOUVER.
Elle se déroulera du 25 juin au 28 septembre 2014 à l’Espace Photographique Contretype à Bruxelles.
© Erika VANCOUVER, extrait de la série Maison du commerce, 2012
© Sári EMBER, extrait de la série Conversations, 2011
« Parmi les missions de Contretype de soutien et de diffusion de la création photographique contemporaine, s’ajoute depuis 1997 l’organisation de résidences d’artistes. Conçu par Jean-Louis Godefroid, le programme de résidences est né du constat du peu de représentations de Bruxelles, et du désir de venir combler cette lacune en invitant des photographes —belges ou étrangers— à travailler dans la capitale. Cependant, il ne s’agit en rien d‘imposer de travailler sur la ville elle-même, mais seulement de photographier en résidant en ville. C’est pourquoi chaque photographe en résidence poursuit son travail, avec les préoccupations que chacun nourrit singulièrement. Ainsi, le territoire bruxellois et la vie de la ville servent tantôt de cadre, tantôt de simples stimuli, ou encore de matière première aux images.
C’est à partir des œuvres cédées par les résidents à l’association, à partir du corpus produit lors de leur séjour, que s’est constituée la Collection Contretype. Représentant à ce jour le fruit du travail de près d’une trentaine d’artistes, elle est présentée pour la première fois au public belge, après avoir été exposée dans une version plus réduite au milieu des années 2000 notamment en France, en Pologne et au Brésil. Le nombre et le format monumental des œuvres rendaient impossible leur réunion à l’hôtel Hannon. La collaboration avec La Centrale, sous la direction de Carine Fol, permet aujourd’hui de lever cet obstacle et de donner à la Collection Contretype toute la visibilité qu’elle mérite. De rendre aussi à Jean-Louis Godefroid un hommage, un peu plus d’un an après sa disparition, de même qu’à l’équipe de Contretype, qui assure la poursuite et le développement de la vie de l’association.
C’est donc une balise importante dans l’histoire de Contretype que marque cette double exposition, dont le public pourra apprécier une présentation thématique à La Centrale, reprenant l’ensemble des résidents, et un autre volet chez Contretype, qui réunit les femmes photographes ayant participé au programme de résidences jusqu’en 2012. L’exposition de l’hôtel Hannon s’inscrit plus spécifiquement dans la thématique mise à l’honneur par la plateforme «Summer of Photography», à savoir: les rapports entre genres, et notamment la création au féminin.
Sept femmes en résidence met donc en exergue une partie des œuvres des femmes photographes ayant pris part au programme, également représentées dans l’exposition de La Centrale, à savoir: Elina Brotherus (Finlande), Isabelle Arthuis (France), Isabelle Hayeur (Québec), Chantal Maes (Belgique), Sári Ember (Hongrie), Marie-Noëlle Boutin (France) et Erika Vancouver (Belgique). Si la diversité des propos y est tangible, elle autorise aussi un dialogue entre les œuvres. Par exemple entre celles de la série de Chantal Maes, placées sous le signe du tropisme, et les images d’Elina Brotherus. La première s’attache aux bouleversements microscopiques qui traversent les êtres et à la question de la restitution de cet inframince qui échappe. De manière équivalente, les écrans composés par les haies all-over invitent le spectateur à dépasser leur surface, leur apparente uniformité, pour percevoir les différences, les anfractuosités qui se révèlent lorsque la vision se prolonge. Elina Brotherus s’aventure pour sa part en dehors de Bruxelles, à la recherche d’horizons plus ouverts, notamment aux abords de l’aéroport, à la recherche d’une reformulation de la ligne d’horizon. Le rapport au modèle et au corps en tant qu’objets de représentation, soumis au regard, qui passe chez elle par l’autoportrait, participe également chez cette artiste à la reprise des genres traditionnels hérités de la peinture, qu’elle reformule par le moyen de la photographie.
La relation du modèle et du lieu s’inscrit aussi chez Sári Ember comme un moyen d’identification, pouvant nous révéler un aspect de leur individualité. Il y a ici une personnalisation de l’environnement qui souligne la particularité de chacun et, partant, de chacune des rencontres qui ont présidé aux images.
En concentrant son attention sur l’adolescence, Marie-Noëlle Boutin dévoile, à travers une communaute d’âge, une forme de société qui a ses propres rituels, ses codes esthétiques, sa manière d’être à la ville. La particularité de cet entre-deux qu’est l’adolescence permet de mettre en relation cette période aussi transitoire que déterminante de la vie avec le devenir-ville, le caractère instable ou inachevé de toute entité urbaine. C’est aussi ce qui transparaît dans la figure de la ruine, présente dans les œuvres d’Isabelle Hayeur. Le phénomène de destruction-construction que sous-entend l’espace urbain donne lieu dans son œuvre à l’extension de la notion de monument à toutes les manifestations de destruction, de décrépitude ou de renvoi au passé, qui forment le filtre au travers duquel se perçoit l’épaisseur historique de la ville.
Cette dimension n’est pas sans écho avec le rapport à la mémoire, central au travail photographique mené par Erika Vancouver. Réactivant une mémoire enfouie, elle choisit de retourner sur les lieux de son enfance, soulignant combien la ville comporte de trajectoires humaines, d’histoires singulières qui composent à leur manière la mémoire urbaine. Si le récit repose ici sur l’autobiographie, la démarche d’Isabelle Arthuis emmènera le spectateur du côté de la fiction, en réunissant les photogrammes d’un film réalisé par l’artiste, qui a imaginé –et suivi– les déambulations d’un homme dans Bruxelles.
On le constate, la diversité des propos ne peut se dissoudre dans l’appartenance de ces artistes au genre féminin. Néanmoins, leur réunion permet de porter l’accent sur une catégorie spécifique de photographes, dont force est de constater qu’elle reste minoritaire... comme en atteste généralement la place réservée aux femmes dans le champ professionnel. Un peu moins d’un tiers des artistes représentés dans la Collection sont des femmes, ce qui témoigne du fait qu’il reste du chemin à parcourir vers une parité effective, y compris dans le champ de la création. »
Danielle Leenaerts - Commissaire de l’exposition