Egyptorama ©JulienChatelin
Egyptorama
C’est en parcourant les routes d’Egypte, loin de la place Tahrir, que m’est apparu plus clairement le sens de la révolution. A la sortie du Caire de l’autre coté du périphérique, loin du centre ville, on se plonge progressivement dans un monde étrangement immobile, comme foudroyé en plein élan, où les projets mégalomaniaques des promoteurs semblent avoir été stoppés net. Territoires abandonnés, encore habités par quelques individus figés, comme dans une attente sans fin, l’air hagard. Les constructions inachevées qui ponctuent le paysage désertique provoquent une impression de défaite, d’absurdité. Une porte plantée au milieu du désert, une forêt de lampadaires, des immeubles carton pâte... On passe brutalement du rien à l’étrange et une tension surgit entre les objets, les individus et leur contexte. « Egyptorama », est un « road trip » qui ne mène nulle part. 8000 kilomètre de route, un décentrement hors du temps, dans un décor qui hésite entre l’esthétique kitsch du Péplum et une atmosphère de fin du monde.
Julien Chatelin
©Joël Denot
Joël Denot, finaliste
Joël Denot est photographe ; il l’a toujours été. A l’opposé d’une photographie qui cherche à figurer le réel, ses œuvres se concentrent sur les éléments essentiels de la photographie : la lumière, la couleur et le rapport au temps. Entièrement réalisé à la prise de vue, le travail de Joël Denot révèle d’un geste purement photographique, sans travail de laboratoire.
Dans toutes les œuvres, on pourrait dire qu’il y a un sujet, qu’il y a une image, un corps. Pourtant, au premier regard, son travail ne semble pas « photographique » ; il invoque plutôt la peinture, voire même une peinture qu’on pourrait qualifier d’abstraite, ou de géométrique. Nous avons le sentiment d’être devant des tableaux. Parce que l’image ne se donne pas à voir immédiatement, qu’elle suppose un temps de regard ; le corps de l’artiste, présent dans la plupart des œuvres, semble noyé dans la couleur.
Parce que, ce qu’elle fait apparaître, c’est un jeu de formes colorées ou lumineuses qui n’évoquent rien de précis, sinon des superpositions de surfaces, des assemblages de monochromes. Parce que ses dimensions renvoient à des formats picturaux plus qu’aux formats photographiques habituels (même si ces formats peuvent aujourd’hui être très variables, osciller entre la carte postale et le tableau de grandes dimensions). Joël Denot fait partie de ces artistes qui réagissent contre la multiplication des images, et, dans son domaine, contre une photographie qui ne serait que « l’enregistrement du monde ». Ses photos sont faites à la chambre, et ont pour support un papier photographique.
Pour lui, la photographie est d’abord ce qu’elle était à l’origine : un dévoilement par la lumière, une apparition. Les premières images photographiques, les daguerréotypes, étaient certes des images de la réalité, mais elles étaient avant tout des images lumineuses, fugaces et fantomatiques.
The house ©Helene Schmitz
Hélène Schmitz, finaliste
Kudzu (Pueraria lobata) est une plante invasive couvrant aujourd’hui de grandes zones du sud américain. Le Kudzu a été introduit aux États-Unis en 1876, pendant les commémorations de la 100ème Fête de l’Indépendance américaine, comme cadeau du Japon aux Américains. La croissance rapide de la plante, ses grandes et belles feuilles ont fait l’admiration des horticulteurs qui ont commencé à planter le Kudzu dans leurs jardins.
Au début du 20e siècle, les botanistes ont soulevé le problème de la nature envahissante de l’espèce, mais leurs avertissements ont été ignorés. Dans les années 1950, les Américains ont commencé à s’alarmer et à chercher le moyen d’exterminer la plante considérée aujourd’hui comme une des pires espèces invasives.
Il y a un an, je suis partie pour l’Alabama et la Géorgie aux Etats-Unis dans le cadre de mon projet sur le Kudzu. Je me suis intéressée à la notion d’envahissement. Il est fascinant qu’un terme normalement usité pour décrire une action guerrière soit utilisé pour évoquer notre relation à une plante. Considérons par exemple les expressions « l’invasion du Kudzu » ou « le combat contre le Kudzu ».
L’utilisation de termes relatifs à la guerre pour évoquer notre relation à une plante et à sa germination décrit sans aucun doute notre relation à la nature même. Mais, je me suis également intéressée à la nature même du Kudzu qui de manière apocalyptique transforme les paysages.
Hélène Schmitz
Les photos du lauréat et des deux finalistes seront exposées jusqu’au vendredi 6 décembre au soir.
Agnès B. - 17, rue Dieu 75010 Paris.