Hotel Negresco, Nice - Massimo Vitali - 2005
La vente aux enchères d'oeuvres conçues lors d'une commande publique a eu lieu, malgré les polémiques, le 12 octobre à la Maison de ventes Leclere, à Marseille.
En 2000, l'Etat crée, avec la région Provence-Alpes-Côtes d'Azur et les collectivités territoriales le Plan patrimoine antique qui consiste, comme son nom l'indique, en la restauration des monuments antiques. Pour en faire la divulgation, l'Agence régionale pour le patrimoine antique est mise en place sous la direction de Bernard Millet. L'agence passe alors en 2002 une commande au photographe italien Gabriele Basilico (décédé cette année) afin d'enregistrer l'état des constructions avant la restauration. Les 40 photos constituent la série Provincia Antiqua, qui sera exposée à Arles, à Paris, à Marseille, avec grand succès. Cinq ans après sa création, le plan de restauration prend de l'ampleur et concerne désormais tout le patrimoine de la région, et non seulement l'antique. L'agence devient alors l'Agence régionale du patrimoine. Une deuxième commande est passée, mais cette fois-ci on engage quatre photographes ; l'Italien Massimo Vitali, l'Espagnol Jordi Bernadó, l'Anglais John Davies et le Français Bernard Plossu. « Monuments et paysages » sera présenté un an plus tard à l'occasion des Rencontres d'Arles. C'est également en 2006 que Bernard Millet laisse la direction de l'Agence. En 2009 l'Etat et la région Paca se retirent du projet, et l'agence change une dernière fois de nom pour devenir l'Agence pour le développement et la valorisation du patrimoine. Face à des difficultés financières, http://www.liberation.fr/photographie/2013/10/11/marseillel-enchere-du-decor_938889">Hervé détenues par l'organisation qui, d'après lui, « ne correspondaient plus à l'orientation de l'association, et ont passé dix ans en caisses, coûtant 500 euros par mois en frais de stockage ».
Les artistes en question n'ont pas été consultés avant la vente de leurs oeuvres. D'ailleurs, ils n'ont pas du tout été consultés, ils ne l'ont su que lorsque toutes les mesures avaient déjà été prises. Les artistes ont été mis au courant par Giovanna Calvenzi, la veuve de Gabriele Basilico, le 17 septembre 2013, un peu plus d'un mois avant l'évènement - c'est également à ce moment-là qu'ils apprennent la privatisation de l'agence. http://www.liberation.fr/photographie/2013/10/11/marseillel-enchere-du-decor_938889">Hervé qu'ils « n'auraient jamais cru cela possible, étant tous convaincus d’avoir répondu à l’époque à une commande publique sur les paysages et les monuments de Provence. » Pris au dépourvu, ils se sont mobilisés pour freiner l'action mais, malheureusement, ce fut un grand échec.
http://www.liberation.fr/photographie/2013/10/11/marseillel-enchere-du-decor_938889">Hervé (Société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe) et http://www.liberation.fr/photographie/2013/10/11/marseillel-enchere-du-decor_938889">Hervé (Union des Photographes Professionnels-Auteurs) sont intervenues auprès de la ministre de la culture Aurélie Filippetti et du président du conseil régional Paca, qui ont essayé de faire pression de leur part. Ils envisageaient de mettre la vente en retrait et de donner les oeuvres à l'Etat ou à la région qui disposent d'établissements publics qui pourraient éventuellement les conserver dans de meilleures conditions et les valoriser. Le problème principal souligné par Hervé Passamar aurait donc pu être remédié. Comme la vente n'a pas été annoncée prioritairement aux artistes, les réactions à la mesure ont échoué notamment en raison du facteur temps. L'agence a insisté sur l'impossibilité de remettre la date de la vente.
Il y a donc le problème évident d'une confusion entre public et privé. L'agence a été privatisée en 2009, mais elle détenait toujours les oeuvres conçues par son ancêtre public. Difficile à croire que celle-ci ait pu disposer de ces pièces publiques pour des fins privées/commerciales, mais c'est pourtant ce qui s'est passé.
Pour Massimo Vitali, le problème n'est pas dans la diffusion des images, mais dans la vente des photographies en tant qu'objets sans son consentement, sans sa signature, entraînant ainsi une dévalorisation de son travail. De son côté, il a averti sur son site web le manque de valeur de ces oeuvres, vendues illégitimement et prévoit d'ouvrir un procès contre l'Agence pour le développement et la valorisation du patrimoine.
« Dans l'âge de l'Internet, copyright ne représente pas un souci pour moi. Je n'accorde pas d'importance à la diffusion des images en soi, mais j'en accorde à la diffusion des photographies en tant qu'objets. »
Lorsqu'on lui pose la question, John Davies ne saurait pas dire quelles en seront les conséquences exactes sur sa carrière. Il admet la possibilité de la dévalorisation de son oeuvre, mais pour lui ce ne serait qu'un moment transitoire et donc sans réelle importance dans la mesure où il envisage de continuer à faire et à exposer de nouveaux travaux. La démarche de l'agence est problématique en ce qu'elle témoigne d'un manque de respect par rapport aux photographes et à leurs oeuvres. John Davies explique qu'il a été amené à croire, tout comme les autres artistes, que la commande ferait partie d'une collection publique permanente. Il souligne également la nécessité d'une confiance mutuelle entre l'artiste et la galerie, le musée ou l'agence, une sorte de code éthique implicite entre les deux acteurs.
« Travailler avec des galeries, musées et organisations culturelles représente souvent un acte de foi des deux parties. Il y a un accord implicite et l'espoir d'atteindre un résultat mutuellement positif. Je suis censé puiser dans mes habiletés créatives et dans mon expérience pour produire un travail de qualité, de manière honnête et pertinente. En retour, j'attends de la part de l'organisation avec laquelle je travaille de l'honnêteté et du respect par rapport à moi en tant qu'artiste et à mon travail. Et de le présenter le mieux possible. »
Le déroulement des évènements ne semble pas laisser une véritable place à de contre-réponses, d'autant plus qu'il n'y a pas eu d'enfreinte à la loi en soi. Il en reste toutefois qu'au milieu d'un quiproquo entre public et privé, des oeuvres d'art ont été violées. Et cela représente une perte à tous.
Ana Santos