La diagonale du vide. Oubliés de nos campagnes © Lionel Charrier / MYOP / Secours Catholique
Une exposition de photographies sur la précarité en milieu rural en France.
Du 20 novembre au 1er décembre 2013 Au Point Ephémère, 200 Quai de Valmy, Paris 10
Cachée, invisible, dans un contexte géographique où l’habitat est dispersé, la précarité en milieu rural est une réalité souvent
passée sous silence. Le Secours Catholique-Caritas France est une association qui lutte contre toutes les formes de pauvreté et d’exclusion et cherche à promouvoir la justice sociale.
Comme un rappel à sa devise : « être près de ceux qui sont loin de tout », le Secours Catholique-Caritas France a choisi 5 photographes Lionel Charrier, Pierre Hybre, Olivier Jobard, Alain Keler et Ulrich Lebeuf pour aller à la rencontre de ces oubliés rendre compte des différentes réalités de cette pauvreté en milieu rural en France.
Cinq photographes pour donner un visage à la précarité, sensibiliser l’opinion publique et changer notre regard sur la pauvreté.
Vernissage le 20 novembre à 18h30.
SECOURS CATHOLIQUE - CARITAS FRANCE
Fondé en 1946, le Secours Catholique-Caritas France est une association loi 1901 reconnue d’utilité publique en 1962, service d’Eglise, qui lutte contre toutes les formes de pauvreté et d’exclusion et qui cherche à promouvoir la justice sociale.
Le Secours Catholique-Caritas France entend « apporter, partout où le besoin s’en fera sentir, à l’exclusion de tout particularisme national ou confessionnel, tout secours ou toute aide directe ou indirecte, morale ou matérielle, quelles que soient les options philosophiques ou religieuses des bénéficiaires» (extrait des statuts, article 1er).
Son réseau de 60 000 bénévoles (organisé en 81 délégations et 4 000 équipes locales) agit quotidiennement partout en France.
Ses actions en France recouvrent 7 principales thématiques : enfance et jeunesse / errance / emploi et insertion / prison / migrants / gens du voyage / urgences France.
A l’échelle internationale, le Secours Catholique-Caritas France est la branche française du réseau mondial Caritas, l’un des plus vastes réseaux humanitaires au monde.
L’association soutient plus de 350 projets dans 72 pays, couvrant l’urgence, le développement et le plaidoyer.
Organisation caritative généraliste, le Secours Catholique-Caritas France aborde des thématiques variées qui concernent aussi bien les besoins essentiels (accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, sécurité alimentaire), que la promotion féminine, l’éducation, les migrations, la paix, la justice et les droits humains.
AGENCE MYOP
L’agence MYOP a été fondée en 2005 par des photographes venus de la presse qui voulaient assumer avec conviction leur regard sur le monde et leur subjectivité.
Loin du formatage des images, la narration photographique, travaillée et singulière, est au cœur de leur démarche.
Aujourd’hui, ses membres sont issus de la photographie plasticienne, du photojournalisme ou du documentaire. Les auteurs proposent chacun un regard pertinent et complémentaire sur le monde contemporain.
Cette variété des formes et des expériences confère à l’agence une grande diversité des regards. C’est aussi son originalité qui lui permet d’être présent dans les secteurs de l’information, de la communication d’entreprise aussi bien que dans le développement de projets culturels. MYOP est une signature reconnue dans les médias (écrits et audiovisuels), aussi bien que dans le monde des galeries ou les festivals.
Dirigée par des photographes, l’agence se veut à l’écoute du travail de chacun de leurs membres afin de leur offrir une vitrine pour mettre en valeur leurs travaux et un outil pour mener à bien leurs projets.
L’EXPOSITION - LES PHOTOGRAPHES
Oubliés de nos campagnes, est une exposition photographique sur la précarité en milieu rural.
Habitats dispersés, souvent anciens et vétustes, difficultés de mobilité, d’accès à l’emploi, aux soins et aux aides, autant d’obstacles qui exposent le milieu rural au développement de situations de précarité.
Compte-tenu de ce contexte, les personnes les plus fragiles se trouvent confrontées à un isolement géographique, psychologique et social dans lequel la précarité, souvent stigmatisée, est rapidement cachée et devient silencieuse, oubliée.
Oubliés de nos campagnes, c’est une série de rencontres avec des hommes et des femmes, ruraux de souche ou néo ruraux, visages pluriels de cette précarité en milieu rural.
Des moments d’intimité, de partage, que cinq photographes de l’agence MYOP présentent en images.
Accorder une attention particulière, accueillir, soutenir, accompagner les personnes ou familles fragiles vivant en milieu rural en permettant à chacun d’être acteur de son propre développement, sont les objectifs du Secours Catholique-Caritas France.
L’action de l’association trouve son sens dans une vision d’ensemble de la lutte contre la pauvreté, qui vise à restaurer la personne humaine dans sa dignité et s’inscrit dans une perspective de développement durable.
Oubliés de nos campagnes, souhaite mettre en lumière ceux qui sont trop souvent dans l’ombre, favoriser une prise de conscience du phénomène grandissant de la précarité en milieu rural et surtout favoriser le changement de regard.
LA DIAGONALE DU VIDE par Lionel Charrier et Alain Keler
Du Nord-est au Sud-ouest de la France, de Givet (08) à Arreau (65), Lionel Charrier et Alain Keler ont parcouru en tandem, la «diagonale du vide », zone particulièrement touchée par l’exode rural. Loin des grandes villes, la dureté de la crise est bien là.
En Champagne, Marie, postière et mère célibataire d’une adolescente, n’arrive plus à joindre les deux bouts. Dans les Ardennes,Manfred, s’est installé dans un village à la recherche d’un loyer abordable, mais il n’a jamais travaillé et n’a ni voiture, ni permis.
Dans le Cantal, Jean-Pierre, agriculteur célibataire, travaille sans relâche 365 jours par an. Dans la Nièvre, Christine fait partie des retraités isolés qui vivent avec moins de 500 euros par mois. Dans la Creuse, Elie, ancien SDF, patriarche d’une famille de sept enfants, attend son micro crédit pour un camion d’occasion.
Dans les Landes, Jean-Marie vit en caravane près d’un étang depuis 25 ans, mais est menacé d’expulsion...
© Lionel Charrier
Certains sont chômeurs, d’autres ont connu ce qu’ils nomment avec pudeur «des accidents de la vie». Ils cherchent à boucler le mois, chaque mois. Parfois hantés par le risque du surendettement, ils veulent que leurs enfants étudient.
Des Ardennes aux Hautes-Pyrénées, Lionel Charrier, en numérique et en couleurs, et Alain Keler, en argentique et en noir et blanc, sont allés à la rencontre des plus fragiles, ceux qui, dans leur isolement, oscillent entre désarroi et projets de (sur)vie. Une pauvreté méconnue dans cette France transversale des petites routes champêtres. Derrière la douceur des paysages, ce périple dévoile l’autre visage de nos campagnes.
Lionel Charrier est directeur et co-fondateur de l’agence MYOP Issu de l’école Louis Lumière il devient iconographe à l’agence Magnum en 2000, se lance en tant que photographe en 2001 et devient un collaborateur régulier de Libération et du Secours Catholique-Caritas France. Il travaille pour la presse française et étrangère: Le Monde, L’Express, La Vie, Elle, Newsweek, El Pais... Exposé en Arles (2000 et 2007), au Mémorial de Caen (2004), son travail est régulièrement projeté depuis 2005 dans le cadre des rencontres d’Arles. Il est le créateur et le co-directeur du Tbilisi Photo Festival depuis 2009.
© Alain Keler
Alain Keler rejoint l’agence MYOP en 2008, collabore avec la presse française et étrangère : Géo, Libération, Marie-Claire, Le Figaro-magazine, l’Express, US News, National Geographic France... Il a été lauréat en 1986 du Prix Paris-Match du photojournalisme pour « L’Ethiopie sous la pluie », du World Press en 1997, lauréat de la fondation W. Eugène Smith pour le travail sur les minorités dans l’ex-monde communiste et en 2004 pour l’un des prix de la fondation 3P à Paris. En 2011, dans le magazine trimestriel XXI, le dessinateur Emmanuel Guibert croque le travail de fond qu’il mène depuis 10 ans sur la discrimination des Roms en Europe. Cela donnera naissance à une bande dessinée «Les nouvelles d’Alain».
RUPTURES par Pierre Hybre
Pour développer ce projet documentaire sur la précarité dans les campagnes, Pierre Hybre a choisi, un petit territoire singulier, une modeste ville rurale des Pyrénées ariègeoises: Saint-Girons. Ce département rural est l’un des moins peuplé de France et l’un des plus pauvres aussi. Nous sommes ici tout en bas de la France, impossible d’aller plus loin. C’est le bout de la route.
Cette région rurale présente un ensemble hétérogène de personnes en situation de précarité. Des gens en rupture, en marge de la société, des victimes de la désindustrialisation, du manque de travail, de l’isolement, des jeunes issus du monde rural sans qualification et d’autres s’inscrivant dans un processus de « décroissance». Saint-Girons attire aussi, comme un ultime refuge, des personnes qui ne pouvaient plus vivre dans leur région d’origine.
© Pierre Hybre
La marginalité est ici largement tolérée par la population locale, et la ville attire ainsi un nombre important de marginaux et de sans domiciles fixes. Un esprit alternatif est aussi toujours présent, ainsi une petite population de néo-ruraux est disséminée dans les vallées et collines alentours.
Pierre Hybre développe une photographie documentaire liée à la notion de territoire géographique et humain. Réalisé en 2011, le livre « Noirs Tropiques » est une déambulation sous les tropiques. Captures d’instants à la fois contradictoires et complémentaires, sa photographie se veut révélatrice de ce qui ne se voit pas.
Si ce qui l’intéresse est avant tout dans l’imaginaire, c’est bien à partir du réel qu’il photographie. Avec les « Suites Andalouses », « The Wild », ou« Nordland » sa photographie s’intéresse à des territoires aux résonances singulières. Parfois ces histoires s’entremêlent avec la sienne et donnent à son travail une perception intime des moments traversés et vécus. Le paysage est au centre de sa démarche photographique où la représentation de la nature prend différentes formes.
De 2006 à 2009, c’est un territoire humain qu’il explore, celui de l’adolescence en suivant pendant plusieurs années un petit groupe de jeunes rockers en quête d’identité. Ce portrait d’une génération trouvera sa forme définitive avec l’édition du livre «French Kicks».
ESTER ET ARMANDO par Olivier Jobard
Les Molinares ont subit de plein fouet la crise espagnole. En 2010, Armando a été licencié sans préavis alors qu’il était ambulancier, tout comme sa femme Ester, qui travaillait dans une maison de retraite. N’arrivant plus à joindre les deux bouts, le couple se fait expulser et est obligé de tout vendre... Ils partent alors s’installer avec leurs enfants chez les grands-parents en Andalousie. Malgré tous ces efforts, ils se retrouvent à nouveau sans argent et toujours sans emploi.
Partir en France devient leur dernier espoir de trouver un travail. Ce choix les oblige à se séparer de leurs deux enfants de 10 et 13 ans pendant plus de cinq mois, le temps de la saison des récoltes.
Le couple vend sa voiture pour acheter une vieille fourgonnette, dans laquelle ils pourront dormir sur la route. Mais l’argent économisé est encore insuffisant, ils sont obligés de faire la manche pour payer l’essence qui leur permettra d’arriver dans la Drôme.
© Olivier Jobard
La saison de la cueillette des fruits à Tain l’Hermitage commence avec plusieurs semaines de retard. Ce mois de mai, enfermés sous la tente à cause du mauvais temps, est le plus long. L’humidité, l’inconfort de la tente et les quotas à tenir provoquent rhumatismes et sciatique chez Ester. Elle est clouée au lit pendant plusieurs jours mais n’a d’autre choix que de finir la saison.
Le couple aurait trop honte de rentrer les mains vides sans pouvoir payer la scolarité des enfants.
Olivier Jobard, intègre en 1990 l’école Louis Lumière puis en 1992 l’équipe des photographes de Sipa qu’il quitte en 2011. Il couvre de nombreux conflits dans le monde : Croatie, Bosnie, Tchétchénie, Afghanistan, Soudan, Sierra Leone, Liberia, Côte d’Ivoire, Colombie, Irak...
En 2000, il se rend à Sangatte. Son approche photographique change alors. Il se consacre principalement à un travail au long cours sur les problématiques d’immigration en Europe et dans le monde.
En 2004, Olivier Jobard décide de suivre l’itinéraire de Kingsley, un émigrant camerounais à travers son périple illégal depuis le Cameroun jusqu’en Europe. Cette aventure humaine donne naissance à un livre édité chez Marval.
Après avoir témoigné des expériences d’immigration, c’est aujourd’hui l’intégration des immigrés dans leur pays d’accueil qui est au centre de son travail photographique.
Son travail reçoit de nombreux Prix et Bourses, comme la bourse du Festival Photoreporter en Baie de Saint Brieuc (2012), 2 Visa d’or au festival Visa pour l’Image de Perpignan (« Magazine » en 2011, « News » en 2004), Emmy Award for documentary with Media Storm’s Kingsley Crosing (2007), World Press Photo (« contemporary issues », 2005), le Grand Prix Care International du Reportage Humanitaire pour son travail sur les réfugiés du Darfour (2004)... Ses enquêtes photographiques ont été régulièrement exposées à travers la France.
LA VALLÉE DES OUBLIÉS par Ulrich Lebeuf
L’histoire commence avec les usines Saint Frères. En 1911, l’entreprise compte 17 usines, dont 13 dans la Somme qui emploient 9 000 personnes. L’entreprise gérait les Prévoyances (magasins coopératifs), les crèches, les écoles et la maternité de Flixecourt, des centres de vacances et des formations. «De toutes façons, on naissait Saint Frères, on mourait Saint Frères» (Pierre, ouvrier polyvalent de 1930 et 1982). Elle fermera définitivement en 1984.
Depuis 30 ans, les usines de la Somme ferment les unes après les autres. Aujourd’hui, c’est l’usine Goodyear qui a annoncé sa fermeture prochaine.
Actuellement le taux de chômage est nettement plus élevé dans cette vallée que la moyenne nationale. Le manque de travail a détruit les familles, l’isolement a fait le reste.
© Ulrich Lebeuf
Les problèmes d’alcool ont fait leur apparition, puis ceux de la drogue au bout de la troisième génération de chômeurs. Et puis il y a ceux, qui sont uniquement désespérés d’être les oubliés d’un monde ouvrier révolu.
Avec une subjectivité assumée, Ulrich Lebeuf cherche à comprendre et à témoigner du quotidien de notre époque.
La frontalité et la richesse du détail apparentent ses images à la photographie de style documentaire. Dans cette logique, ses travaux sont souvent accompagnés de petits films (Antonyme de la pudeur en 2009, Tecktonik en 2010, Alaska Highway en 2011, Homeless en 2012)
Son travail a fait l’objet d’expositions et de projections dont «AZF» au Centre d’art et d’architecture de Toulouse en 2003, «Violence Moderne» durant le festival Terre d’images à Biarritz en 2004, «Palestine» durant le festival du Scoop à Angers, «Keep the Distance» à l’Espace Lhomond Paris en 2005 et « Antonyme de la pudeur » à La Cambre à Bruxelles et à la Galerie le Château d’Eau (Toulouse) en 2010.
Photographe initiateur du projet culturel Territoires de fictions, ses séries «Ere de jeux» et « En attendant mon tour » ont été présentés depuis 2006 en ouverture du festival des rencontres de la Photographie à Arles, à la galerie du Château d’Eau à Toulouse, à la Maison Européenne de la photographie et durant les rencontres de la Villette à Paris en 2007.
Ses travaux sont publiés dans Le Monde, Elle, Le Monde Magazine, Libération, Vsd, Geo, Time, National Geographic, Grands reportages,...